Un salaire à vie, ça vaut mieux qu'un Revenu (de subsistance) Universel Garanti ! (Partie 3)

29/04/2017     YVES BENADHIRA , LUC BROSSARD , JEAN CASANOVA , ODILE THOURON , MARTINE STEINMETZ

    Un salaire à vie, ça vaut mieux qu'un Revenu (de subsistance) Universel Garanti ! (Partie 3) Les premières parties de cette article sont disponibles sur le site du Réseau Salariat en cliquant ici et en cliquant là .

    Le salaire à vie qualifié associé à un statut politique de producteur (B. Friot , réseau salariat et institut européen du salariat) : rôle de la cotisation sociale, opposée à la fiscalité !

    La partie I de cette note était dédiée à un survol historique des origines présumées du DRUG (Droit à un Revenu Universel Garanti) ainsi que de ses avantages et inconvénients déclarés. La partie II était centrée sur la question du travail et du Droit collectif au travail, à la différence du droit individuel de (ne pas) travailler, ainsi que de la valeur du travail. On a pointé alors pointé que le DRUG conduirait à une individualisation accentuée des rapports sociaux puisqu’il repose sur une éthique profondément libérale, voire libertarienne. Le RUG ne s’attaquant en rien aux fondements du capitalisme, ses bénéficiaires sont maintenus dans une citoyenneté où ils continuent d’avoir néanmoins des besoins qu’il leur faut satisfaire : ce sont essentiellement des consommateurs à qui on conseille de réduire leurs besoins au nom de la décroissance. La section III est dédiée au Salaire qualifié à vie et au statut politique de producteur de tout-e salarié-e, proposés par le Réseau Salariat.

    Contrairement à la proposition réformatrice du DRUG qui nous invite à nous intégrer au fonctionnement néolibéral de la société (et donc à le perpétuer), les positions de Friot et de son réseau dérivent des trois piliers du programme du CNR ( les jours heureux), que sont le statut de la Fonction publique, les statuts des services publics (EDF-GDF, etc.) et de la Sécurité Sociale , créés par trois ministres communistes (M. Thorez, M. Paul et A. Croizat ), et qui constituaient un Commun déjà là, ce qui fait dire à Friot : "nous avions déjà commencé à sortir du capitalisme ". Nous avons connu 1936, la Libération jusqu’en 1947 puis 1968, ces moments où l’histoire s’est accélérée sous l’effet des mobilisations populaires, et entre ces moments, l’histoire recule et régresse. " Ce qu’il faut, c’est travailler à une prochaine étape d’accélération de l’histoire que seule la mobilisation populaire permet . Ce qu’il faut, c’est renouer avec les conquêtes du passé afin de les étendre ".

    Les propositions du réseau salariat nous invitent donc à nous exiler du discours médiatique qui nous plombe et nous décervelle, à lessiver nos cerveaux nécrosés, changer nos modes de représentation, remplacer les mots de la novlangue libérale par des mots qui soient au plus près des réalités sociales concrètes et de nos désirs (notre imaginaire révolutionnaire), en un mot à changer de paradigme : dans " l’Enjeu du salaire", Friot nous invite à nous "libérer de la convention capitaliste du travail avec sa propriété lucrative, son marché de l’emploi et de ses forces de travail, ses marchandises à la valeur d’usage si discutable produites par des travailleurs soumis à la dictature du temps de travail et n’ayant aucune maîtrise des fins et des moyens de leur travail". Pour se dégager de cette gangue, il faudrait :

    • attribuer à chacun-e, de sa majorité jusqu’à sa mort, une qualification qui évoluera dans le temps, associée à un salaire à vie, ce qui aura comme conséquence de supprimer le marché de l’emploi (pas le marché du travail)
    • étendre la cotisation à tout le PIB, en créant une cotisation économique qui servira à payer les salaires via une caisse de salaires (et non via un patron), et à financer l’investissement via une caisse d’investissement, sans crédit et donc sans dette.

    Des salaires qualifiés à vie : l’emploi est la forme juridique (temps partiel, CDD, CDI, etc.) contemporaine d’exploitation de la force de travail qui a succédé au contrat de louage de services, au servage et à l’esclavage qui survit encore. C’est une dénomination capitaliste qui signifie que nous nous soumettons au marché - non pas du travail - mais au marché de l’emploi, pour y louer notre énergie et notre force de travail en échange d’un emploi qui sera rétribué par un propriétaire, soumis au bon vouloir d’actionnaires. Mais dans le privé, ce qui est payé par le propriétaire lucratif, ce n’est pas mon activité et mon travail, c’est l’emploi et le poste de travail, et s’il me congédie, je suis licencié, "sans emploi", au chômage.

    D’ors et déjà, les fonctionnaires de la FP (et les pensionnés) n’ont pas d’emploi puisqu’ils n’ont pas (plus) d’employeurs. Jadis, nombreux étaient ceux qui pensaient que les salaires des fonctionnaires étaient ponctionnés sur la valeur produite par ceux qui travaillaient dans la seule sphère marchande capitaliste, lesquels travailleurs étaient considérés comme les seuls producteurs de valeur économique.

    Aujourd’hui, à peu près tout le monde (sauf les idéologues du MEDEF et les tenants du mythe du "ruissèlement") reconnaît que les fonctionnaires créent de la valeur économique non marchande dans les secteurs de l’enseignement (instituteurs, professeurs, chercheurs), de la santé (chirurgiens, docteurs, infirmiers), des services publics (crèches, transports), de l’énergie (ingénieurs, techniciens), pour la simple raison qu’ils sont payés pour ce qu’ils font. Pour certains libéraux, leur activité devrait même relever du secteur marchand, puisque source de profits assurés, et c’est bien pourquoi le Capital cherche à étendre son empire et à privatiser les services publics de l’énergie, de la santé, de l’enseignement, etc.

    Mais qu’en est-il des "retraités" ou des mères au foyer ?

    Produisent-ils de la valeur économique ? Concernant les mères au foyer (tout comme jadis les bonnes sœurs qui faisaient du bénévolat dans les hospices et qui ont été remplacées dans les années 1960 par des infirmières salariées), la réponse est simple : si elles ne remplissaient pas les taches domestiques qu’elles remplissent à la maison, elles devraient les payer à des femmes de ménage, des cuisinières ou des nourrices, ce qui serait alors comptabilisé dans la mesure du PIB.

    Mais concernant les "retraités" ? Loin d’être inactifs, ils n’ont jamais autant travaillé et n’ont jamais été aussi heureux de travailler (" d’être occupés"), sans avoir à passer par l’angoisse du marché de l’emploi (que les libéraux nomment marché du travail), à subir le stress et les caprices d’un employeur et sans avoir de compte à rendre à des actionnaires. Ils jubilent (en espagnol, retraite se traduit par jubilation) ! " Mais reconnaissez au moins que vous êtes tout de même improductifs, même si vous êtes utiles !" diraient Pujadas ou Francis Letellier, qui poursuivraient, la main sur le cœur : " les retraités étant des utiles improductifs, ont tout de même droit à une retraite décente " (cf. note 32 sur le Livre blanc du réformateur que fut Rocard).

    Or, rappelons déjà que la pension d’un fonctionnaire est, non pas un salaire différé qu’il recevrait du fait de lasolidarité intergénérationnelle (j’ai cotisé pour ceux qui étaient en retraite et maintenant ce sont les actifs qui cotisent pour ma retraite d’inactif) , mais un salaire continué et ce depuis la loi de 1853 ! Au nom de quoi cette situation, qui résulte du statut de la FP, ne pourrait elle pas être généralisée à tous les "retraités" ? Continuer le dernier salaire du nouveau "retraité" est en effet tout aussi justifié que de maintenir son dernier salaire au chômeur à la recherche d’un autre emploi ou que l’attribution d’un forfait salarial aux jeunes qualifiés cherchant un premier emploi !

    La question des réformes successives des retraites engagées à la demande de la CE qui a conduit aux conclusions du COR (Conseil d’Orientation des Retraites) ainsi que leCPA (Compte Personnel d’ Activité) qui s’inspire du système de comptes individuels de cotisations proposé par A. Bozio et T. Piketty (système dérivé du modèle suédois de la Méthode Ouverte de Coordination - pensions), nécessiterait en soi tout un exposé.

    Signalons néanmoins que le CPA figure dans la loi dite travail et qu’il partage avec le RUG la même conception individualiste de la société : celle-ci ne serait constituée que d’êtres de besoins, des homos economicus isolés, n’interagissant que par le biais du fric, gagné puis dépensé. " Un compte personnel, à commencer par le plus ancien d’entre eux, le compte personnel de retraite Arrco-Agirc, construit contre le régime général de la sécurité Sociale, asservit les travailleurs au marché de l’emploi puisque c’est la performance dans l’emploi qui alimente le compte. Plus j’ai d’emplois, et de bons emplois, plus j’additionne des droits à des jours de repos ou de chômage, à la formation, à la retraite, à la complémentaire santé, etc. Mais alors que le régime général permet de prolonger dans la pension les meilleurs salaires, le CPA tient compte de toute la carrière, y compris les années très mal payées, et n’est donc pas attaché à la personne, mais à son parcours professionnel. […] L’emploi, tel qu’il est vu par les capitalistes, ce n’est plus comme jadis l’emploi poste, mais l’emploi parcours. C’est pourquoi, le capitalisme financiarisé ne veut plus s’engluer dans la stabilité de postes de travail et donc lier des droits au poste de travail : il s’efforce d’obtenir des salariés les plus mobiles possible et donc lie les droits au parcours professionnel" .

    Donc, revenons en plutôt à la question du salaire à vie adossé à la qualification :

    Ce que propose le réseau salariat de Friot (rejoint en partie par la CGT), c’est d’attribuer à partir de 18 ans (voire même 16 ans qui est l’âge légal de la fin de la scolarité obligatoire), à toute personne une qualification - dont il sera titulaire - et qui évoluera tout au long de sa vie professionnelle et qui sera délivrée par une commission (l’équivalent des commissions du Comité National du CNRS ou des commissions de spécialistes de l’Enseignement Supérieur). Cette qualification attribuée donc à la personne (pas à l’emploi-poste ni à l’emploi-parcours, donc pas aux différents postes de travail occupés) sera rétribuée pour un salaire mensuel compris entre 1500 et 6000 (échelle de 1 à 4, qui existe déjà dans la FP, et non de 1 à 20 comme proposé par le programme "L’Humain d’abord" du Front de Gauche ou par la Confédération E uropéenne des Syndicats !). C’est donc le travailleur qualifié qui est payé pour sa qualification (pour son grade dans la FP) alors que dans le privé, c’est le poste de travail (l’emploi) occupé qui est payé. Et ce travailleur recevant un salaire aura ainsi un statut de salarié.

    Mais il sera payé, non par son employeur, mais par une caisse de "sécurité sociale professionnelle" et restera titulaire de sa qualification acquise (soit à l’ancienneté, soit au choix sur décision d’une commission de qualification) tout au long de sa vie professionnelle et à la "retraite" (c’est pourquoi sa pension sera constituée par son dernier salaire correspondant à sa dernière qualification acquise w).

    Il convient d’insister sur le glissement sémantique qui privilégie le salarié au détriment du travailleur car pour beaucoup d’entre nous qui militions jadis pour l’abolition du salariat (certes contraint), il y a là un changement de paradigme complet : le travailleur est en effet propriétaire de sa force de travail, qui n’a pas de valeur d’échange en soi, mais qu’il loue sur le marché de l’emploi et que l’employeur va rémunérer. De marchandise qu’était sa force de travail et d’objet qu’était le travailleur, il devient sujet comme salarié.

    Précisons un point qui nous semble évident : cette échelle de salaires de 1 à 4 s’applique à quiconque (c.à.d. à toutes et à tous), quels que soient son genre, ses origines sociales, sa couleur de peau, qu’il ait accompli des études ou pas (de toute façon, le travail ira en s’intellectualisant). C’est donc une proposition qui institue une égalité concrète entre les salarié-e-s et qui se conjugue avec leur liberté puisqu’ils n’ont plus à se soumettre à la loi du marché de l’emploi et à la toute puissance de l’employeur. Voici enfin que peut se réaliser, " l’égaliberté" de Balibar, une utopie enfin réaliste propre à faire rêver : nul besoin d’y croire, il suffit de s’en convaincre et de se mobiliser pour l’instituer !

    Comment financer ce beau rêve réaliste ? Généraliser la cotisation à tout le PIB !

    Il suffirait en effet de s’inspirer de ce qui fût réalisé pour la Sécurité Sociale en 1945. Pour comprendre ce qui serait réalisable, il suffit de se reporter au tableau de fin d’article:

    • en 1970, 70% du PIB provenait des salaires privés (300 milliards d’€) et publics ainsi que des cotisations sociales, tandis que 30% (300 milliards d’€) provenait du profit.
    • en 2010, nous en étions à 40% du PIB pour les profits (800 milliards d’€) tandis que 60% était issu des salaires et de la protection sociale : 25% (500 milliards d’€) de salaires versés par le privé et 35% des salaires de la FP (150 milliards d’€) et des cotisations sociales (550 milliards d’€). Comparé à 1970, cela représente 10 points de moins (70% moins 60%) pour la part socialisée du PIB (salaires et protection sociale) pour un PIB de 2000 milliards d’€ actuellement, dont 200 milliards d’€ qui vont en grande partie irriguer les paradis fiscaux (pour mémoire, le déficit de la SS est de 13 milliards d’€ …).

    Alors certains, comme à ATTAC et des économistes atterrés etc., demandent à ce que le Capital soit un peu plus taxé pour en revenir à la situation de 1970. C’est bien gentil mais insuffisant : actuellement, 35% du PIB (700 milliards d’€) est alimenté par i) les salaires des fonctionnaires (150 milliards d’€) + ii) les pensions des retraités ( 250 milliards d’€) + iii) les cotisations sociales (300 milliards d’€). Pour le réseau salariat, c’est tout le PIB qui devrait être alimenté par les cotisations afin de financer l’ensemble des salaires, de la protection sociale et des caisses d’autofinancement et d’investissement des entreprises :

    Pour une échelle de salaires mensuels allant de 1 à 4, de 1500 à 6000 €, avec un salaire moyen de 2080 €, sur une année (× par 12) et pour 50 millions de personnes âgées de plus de 18 ans et vivant en France (droit du sol), cela conduit à 1 250 milliards d’€, soit 60% du PIB (évalué à 2000 milliards d’€ en 2010) : c’est 50 milliards d’€ de plus que ce qui est affecté à l’ensemble constitué par la protection sociale (550 milliards d’€) + les salaires des fonctionnaires (150 milliards d’€) + les salaires du privé (500 milliards d’€) actuellement.

    Le reste du PIB (800 milliards d’€ en 2010) qui allait aux profits des entreprises sera utilisé pour cotiser : pour un PIB évalué à 2400 milliards d’€ en 2020, on pourrait imaginer par exemple (c’est bien sur à discuter) que 700 milliards d’€ (soit 30% de la valeur ajoutée) aillent à l’investissement (15% décidé par les salariés) et à l’autofinancement (15 % décidé par les salariés), tandis que 10% du PIB serait consacré à une caisse finançant les services publics. Il convient de préciser que les taux d’emprunt seraient sans intérêt et donc sans intérêt de dette à rembourser !

    Il convient de noter que 700 milliards d’€ (550 de protection sociale + 150 de salaires de la FP) sont déjà produits sans propriété lucrative ni sans mesure par le temps de travail (encore que cela se détériore sérieusement avec les techniques de new management visant à "rentabiliser" le secteur public).

    Souvenons-nous :

    1. qu’entre 1945 et 1980, le taux de cotisation aux retraites a doublé, sans baisse du salaire net mais avec augmentation du salaire brut et qu’il s’en est suivi une hausse substantielle des pensions, et
    2. que lorsque les CHU ont été créés dans les années 1960, on n’a pas eu recours à un PPP (Partenariat Public Privé), ni emprunté auprès des marchés financiers ni donc remboursé à intérêt : on a augmenté le taux de cotisation maladie qui a fait affluer l’argent dans les caisses de la Sécu et subventionner l’investissement. Et
    3. comment se finançaient les hôpitaux avant qu’ils ne se financent sur le marché des capitaux puisqu’il n’y a plus de hausse de cotisation ? Par la Caisse d’A mortissement de la Dette Sociale (CADS) - créée par Juppé en 1997 - et qui était alimentée par nos versements à la CRDS (Contribution auRemboursement de la Dette Sociale).

    Si on augmentait le taux de cotisation vieillesse de 26% du brut (taux actuel) à 35%, cela aurait une répercussion sur les prix qu’il faudrait financer non pas en taxant les dividendes mais en supprimant ces derniers à l’heure où les dirigeants d’entreprises et de banques s’attribuent des rémunérations éhontées (stock-options notamment).

    C’est cela qu’il faut généraliser et arrêter de se lamenter selon Friot ! Si pour Bourdieu, le capitalisme est une structure de domination qui se reproduit en changeant (cf.Brecht "changer pour que rien ne change"), Marx pense à l’inverse le capitalisme, non comme un système, mais comme un ensemble de contradictions dans lesquelles le Capital ne maîtrise pas toutes les cartes : il nous faudrait retrouver le sens du jeu et savoir se saisir des cartes qui sont porteuses d’émancipation et qui sont les fruits de luttes révolutionnaires.

    Depuis la LTI (Lingua Tertia Imperii ou langue du troisième Reich) de V. Klemperer et laLQR (La langue de la Cinquième République) d’ E. Hazan, nous savons combien les pouvoirs se servent des mots pour endoctriner les esprits : la lutte des classes est aussi une lutte idéologique qui ne saurait se réduire aux nécessaires luttes contre les racismes, les sexismes, les discriminations, les inégalités et le patriarcat. Si nous ne menons pas la lutte d’idées, les Pujadas, Zemour, Finkelkraut et BHL la mènent sans nous et contre nous, et frontalement. D’autres la mènent de façon plus soft, plus subtile et plus insidieuse, sans avoir l’air de la mener consciemment. Mais tous (nous) baignent dans l’idéologie dominante des mots-maux du néolibéralisme. A nous d’être vigilants pour ressusciter l’hégémonie progressiste qui fut la nôtre, héritée de Rousseau, de 1793 et de la Commune de Paris 1871, de 1936 et du programme du CNR. Commençons déjà par abandonner les mots et les expressions de la novlangue libérale pour reformuler nos argumentations et nos revendications, en adoptant un argumentaire qui soit la traduction d’un mode de représentation alternatif au mode dominant, en remplaçant par exemple :

    • "le coût du travail" par "le coût de la force de travail"
    • "le marché du travail" par "le marché de l’emploi"
    • "revenu différé" par "salaire continué"
    • "sécurité des parcours professionnels" par "sécurité sociale attachée à la personne"
    • "la recherche du plein emploi" par "réduction massive du temps d’emploi pour donner du travail à tous"
    • "taxer les profits ou taxer le Capital" par "généraliser les cotisations sociales"
    • "créer une banque publique d’investissement" par "socialiser toutes les banques" en les transformant en "caisses de dépôt et d’investissement"

    Ainsi, pourrons-nous considérer le travail, non comme une "ressource humaine" exploitable (un "capital humain"), mais comme un moyen d’émancipation et de réalisation de soi, où pourra se réaliser concrètement une nouvelle civilisation, celle d’un travail libéré de ses contraintes.

    Afin de résoudre le financement de la protection sociale, les réformateurs libéraux préconisent d’avoir recours à la fiscalité (l’impôt) en taxant les "revenus" du Capital et du Travail, sans toucher à la propriété lucrative et au système capitaliste. Pour le réseau salariat et Friot, la solution est bien plus simple : généraliser la cotisation sociale à l’ensemble du PIB, supprimer les rentiers et la propriété lucrative en la remplaçant par une copropriété d’usage des entreprises communes (ex-privées et ex-publiques) gérées par les seuls salariés et leurs utilisateurs.

    Peut-on conclure par une note optimiste ? Faudrait-il supprimer l’emploi salarié et donc le salariat au motif que le travail contraint exploite et aliène celui qui est obligé de le subir pour (sur)vivre ? Cette façon de poser le problème est évidemment fausse puisque la question ne réside pas dans son apparence phénoménologique première (l’emploi salarié) mais dans son essence même (l’exploitation de la force de travail) : les canuts qui détruisirent leurs métiers à tisser supprimèrent leur outil de travail mais pas leur condition de travailleur exploité. Il en est de même du rapport salarial (abordé lors des "Nuits Debout") qui est un rapport de subordination sociale tant que les conditions de domination patriarcale et capitaliste continueront de s’exercer. On peut dépasser cette emprise obscène d’un employeur sur "son" employé (donc "son" salarié) en généralisant le salaire comme un droit nouveau à conquérir : ce faisant, cette opération de subversion change le contenu du travail même ! En se libérant, l’employé libère aussi celui qui était "son" employeur qui, n’ayant plus le statut d’employeur, n’aura plus à se soucier de la fiche de paie chaque fin de mois.

    C’est donc là un projet bien plus audacieux et mobilisateur qu’un revenu de base, fut-il inconditionnel et garanti, qui se borne à cantonner l’individu dans la condition peu glorieuse de n’être qu’un Etre de besoin et de subsistance, sauf s’il a la possibilité de rejoindre la sphère de l’Avoir en gagnant plus, auquel cas il lui faudra chercher à se placer (s’employer) sur le marché des esclaves modernes. Ne vaut-il pas mieux qu’il ait la liberté de s’émanciper avec tous les autres, en se mobilisant dans la sphère du Faire et de l’Agir ?

    Note rédigée de mai à juillet 2016 à Toulouse et actualisée fin janvier 2017, par :

    Yves Benadhira (Réseau Salariat)

    Luc Brossard (Réseau Salariat et Espaces-Marx)

    Jean Casanova (Espaces-Marx)

    Martine Steinmetz (Réseau Salariat et Espaces-Marx)

    Odile Thouron (Réseau Salariat et Espaces-Marx)

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