Riches : on taxe pas, on (re)prend tout !

11/05/2021     LE MÉDIA , LE STAGIRITE

Le Covid-19 a mis en pièces des pans entiers de l'économie mondiale. En France, un million de personnes a basculé dans la pauvreté. Mais c’est pas la crise pour tout le monde. Certains se sont considérablement enrichis, notamment dans la tech ou le luxe.

La question de la taxation des riches se pose à nouveau. Il faut dire qu’elle a reçu un soutien de poids, celui de la République populaire des Etats-Unis. Le président Biden veut mettre en place d'ambitieux plans de relance, d’aides sociales et familiales et pour obtenir l'argent nécessaire il va le chercher là où il est.

Chez nous, le plan de relance est certes bien réel, mais reste plus modeste, et surtout il n'y a rien de révolutionnaire dans la manière de le financer. Le gouvernement compte sur le retour de la croissance, et entend faire des économies sur l'assurance chômage ; le reste de la droite insiste sur la réforme des retraites.

Avec les dernières déclarations et mesures de l’administration Biden, le gouvernement français semble bien isolé : il s’obstine à ne pas revenir sur la flat tax ou sur la suppression de l'isf, continuant donc à s'interdire de faire les poches aux profiteurs de crise.

Ce que montre Biden, tout néolibéral qu’il est, c'est qu'il n’y a pas de fatalité, qu'il est possible de prendre des mesures fortes, qui vont dans le sens des travailleurs et des plus démunis. Il est assez cocasse d'entendre les libéraux, qui ne jurent d'ordinaire que par les Etats-Unis, faire la fine bouche.

Certes, ce que fait Biden revient simplement à rétablir le niveau d'imposition d'avant Trump. Mais l'important n'est pas le détail économique, c’est le geste politique. C'est ce que souligne François Ruffin, dont le grand combat est de vaincre la résignation. Puisque “Sleepy Joe” se réveille un peu, cela ouvre une brèche dans laquelle il faut s'engoufrer.

À une telle proposition, la réponse des capitalistes est toujours la même : “surtout pas, au contraire il faut alléger la fiscalité des riches, pour qu'ils investissent, créent des emplois, relançant ainsi l'économie”

C'est la fameuse “théorie du ruissellement”. L'idée est que pour que les pauvres soient moins pauvres, il faut que les riches soient plus riches. Or ce qui se passe en réalité lorsqu'on baisse les impôts des riches, c'est que l'argent qu'ils n'auront pas à payer en impôts part surtout dans la spéculation au lieu d'être investi dans l'économie réelle, dans la production. Et ils optimisent, voire fraudent. Bref, ça ne ruisselle pas du tout.

Aucun scientifique ne soutient cette pseudo théorie. Tout le monde la rejette, du FMI à Lutte ouvrière en passant par l'OCDE. Tout le monde, non, car Emmanuel Macron semble y croire. Officiellement, bien sûr, il dit le contraire, mais de fait, toute sa politique est fondée là-dessus ; qu'il dise plutôt “premiers de cordée” ou “ceux qui réussissent” ne trompe personne.

Résumons : pour réduire la pauvreté et le inégalités - notamment celles, particulièrement aigues, dues à la crive du Covid-19, nous avons a une palette de solutions pour mettre à contribution ceux qui s'en sont bien sortis : taxe exceptionnelle sur les profiteurs de crise, taxe Gafam, retour de l'ISF, impôt progressif quasi-confiscatoire, impôt universel…

Mais notons que toutes ces options restent des solutions fondées sur l'impôt, la fiscalité. Or comme l'explique inlassablement Bernard Friot, “taxer les riches” revient à les légitimer. Taxer le capital, cela revient à croire que cet argent appartient légitimement au capitaliste, et qu'on ne peut pas faire autrement, pour en récupérer une partie, que de lui faire payer des impôts : sur son patrimoine, sur ses dividendes, sur ses revenus.

C'est donc oublier que le capital est toujours une ponction sur le travail d'autrui. Puisque la valeur est produite par les travailleurs, rappelle Friot, alors il faut tout simplement que cette valeur revienne entièrement aux travailleurs. Sa réflexion privilégie une solidarité horizontale, entre travailleurs : la valeur créée est répartie via la cotisation sociale. Et non une solidarité verticale, où on laisse des riches s'enrichir, puis on redistribue via l'impôt.

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