La retraite, c’est révolutionnaire !
26 May 2013
100% du meilleur salaire net pour tous — salariés, indépendants ou non — dès 55 ans — avec au minimum le SMIC, financé à 100% par la cotisation sociale, et sans condition d’annuités ou de carrière
Introduction
Il y a aujourd’hui en France environ 15 millions de retraités. Ils liquident leur pension en moyenne à 61,5 ans. Les pensions représentent autour de 13% du Produit Intérieur Brut (PIB), soit environ 250 milliards. La pension moyenne des hommes est de 1600 euros mensuels, celle des femmes (réversion comprise) de 1100 euros, avec de grandes disparités internes. Ainsi, si la quasi totalité des retraités relève bien du régime de la sécurité sociale ou de la retraite des fonctionnaires, près de 50% des nouveaux retraités, souvent parce qu’ils ont gagné le SMIC toute leur vie, touchent le minimum contributif (environ 680 euros pour la retraite de base + majoration et régimes complémentaires, avec un plafond de 90% du SMIC net) ou le minimum garanti pour les fonctionnaires (1130 euros mensuels). Environ 600 000 personnes enfin, relèvent du minimum vieillesse, soit 750 euros mensuels, car ils n’ont pas « cotisé ».
Pour réseau salariat l’enjeu de la retraite va très au‑delà d’une simple question d’équilibre comptable. Revendiquer 55 ans comme âge politique de la retraite, c’est affirmer la retraite comme un nouveau départ dans une forme de travail qui remet en cause radicalement la définition dominante de travail, celle qui voudrait que seul le travail en emploi soit générateur de valeur économique. Oui, à 55 ans on est en pleine forme ! Il ne s’agit donc pas d’entrer dans une période seulement consacrée au loisir ou au repos bien mérité, après une longue carrière de travail épuisant. Il s’agit au contraire d’inventer et d’expérimenter une nouvelle vie, alternant évidemment loisir et repos, mais aussi travail libéré de l’emploi. On ne se retire pas du travail parce qu’on n’en serait plus capable, la retraite n’est pas la fin du travail, c’est la fin de l’emploi ! Car l’emploi - ou le marché du travail - nous aliène, à travers les cadences qu’impose le capital, la division du travail qui réduit notre faculté créative, l’absence de maîtrise des tenants et aboutissants de notre œuvre.
La nième réforme de la retraite est l’occasion d’affirmer une autre convention de valeur en reconnaissant le succès de la retraite financée par la cotisation, d’affirmer que loin d’être un problème, la retraite nous montre la solution : il est possible d’attribuer une qualification et un salaire à vie financé par la cotisation sociale, à chacun de nous qui, dès lors, pourra produire de la valeur économique (travailler) sans recours à l’emploi, ni aux prêteurs ou aux marchés financiers.
Le PIB, son partage et son origine
Le PIB représente la valeur économique créée chaque année. En 2011, il était de 1997 Mds€. Cette valeur est partagée dans un premier temps entre salaires directs, cotisations sociales et profits (dont une partie est distribuée aux ménages et l’autre conservée dans les entreprises). Ensuite des impôts sont prélevés sur chacune de ces masses. Pour Réseau Salariat, impôts et cotisations sont appelés abusivement « dépenses publiques ». La valeur qu’ils représentent est PRODUITE hors de l’emploi. Elle S’AJOUTE à celle produite dans l’emploi et AUGMENTE le PIB d’autant.
Le flux des impôts et cotisations qui va du secteur marchand (et y retourne lors de l’achat de marchandises) vers le secteur non marchand n’est pas un flux de valeur mais de monnaie.
Réseau salariat propose d’étendre le droit à retraite financé par la cotisation sociale (ou la retraite des fonctionnaires) à toute personne dès 55 ans, avec une moyenne à hauteur de 1600 euros (pension moyenne des hommes actuellement) et un minimum égal au SMIC. Cela concerne environ 20 millions de personnes et une masse d’environ 400 milliards d’euros par an (20% du PIB actuel), au lieu des 250 milliards aujourd’hui.
Cela va évidemment totalement à rebours des choix opérés par les réformateurs depuis la fin des années 70. Ils ont réduit les droits à retraite par le gel du taux de cotisation vieillesse au régime général depuis 1979 et, en conséquence, en jouant sur les « paramètres » du système :
- recul de l’âge légal de départ et durée allongée de cotisation requise pour un taux plein,
- niveau de la pension diminué (notamment par l’indexation sur les prix plutôt que sur les salaires à partir de 1986),
- proportion plus grande de retraités concernés par les minima (minimum contributif, minimum garanti des fonctionnaires, minimum vieillesse - ASPA).
Les arguments présidant aux réformes s’appuient toujours sur une série d’affirmations et de représentations contestables pour aboutir à des impasses. Examinons‑les avant de détailler les propositions de Réseau Salariat.
I - Des affirmations et représentations contestables
L’âge légal de la retraite serait un âge « couperet » qui empêcherait les gens de travailler alors qu’ils sont restés en bonne santé !
Ainsi les retraités seraient‑ils seulement au repos, et condamnés à avoir des occupations de loisir : ce serait des inactifs, des sans activité à opposer aux actifs, c’est-à-dire ceux qui sont en emploi.
Alors que les réformateurs sont prêts à faire travailler les plus de 62 ou 67 ans dans l’emploi, ils refusent de reconnaître les retraités comme producteurs hors emploi. Pourtant, avec leur pension, les retraités peuvent enfin expérimenter le salaire à vie, qui leur permet non seulement de jouir de temps de loisir et de repos, mais aussi de travailler librement !
C’est le cas par exemple, de la moitié des conseillers municipaux, qui sont des retraités. Et combien d’autres retraités travaillent dans des associations ? Combien s’occupent de leurs petits‑enfants ? Ne nous trompons pas : il ne s’agit pas de création de lien social ou d’occupations de loisir. Il s’agit bien de travail.
En effet, en quoi le retraité serait‑il inactif quand il garde ses petits‑enfants, alors que l’assistante maternelle qui effectue les mêmes tâches, travaille ? Il s’agit bel et bien dans les deux cas d’un travail porteur d’une valeur économique, reconnu par le salaire direct pour l’assistante maternelle, par la pension pour le retraité. La différence tient dans ce qu’avec la pension, on a affaire à une ressource déconnectée de toute mesure du travail, contrairement au salaire de l’assistante.
Mais, nous dira‑t-on, le travail du retraité est une occupation en dilettante, à l’inverse du salarié dans son bureau, son chantier, son usine, son guichet. Sans doute le salarié soumis à la dictature du temps de travail est‑il contraint de « faire ses heures » ; mais ne perçoit‑il pas un salaire pendant ses temps de pause, pendant ses congés, ses week‑end, ses loisirs, son sommeil, ses repas etc., c’est à dire pendant des périodes où il ne travaille pas dans l’emploi ? De même, le retraité travaille et est payé, comme le salarié, pendant ses temps de pause, ses vacances, son sommeil etc. Le retraité effectue un travail libéré du capital, c’est à dire hors du marché du travail. Cela signifie qu’il est maître des décisions qui concernent ce travail, en particulier celles d’en réduire les contraintes. Par exemple, s’il lasure le bardage de sa maison, il décidera de le faire en fin d’après‑midi quand il fait moins chaud, même s’il lui faudra trois jours au lieu d’un, comme ç’aurait été le cas pour un ouvrier du bâtiment. On le voit, cette activité n’est pas une occupation en dilettante mais un travail à part entière.
Il n’y a pas assez de cotisation sociale pour financer la retraite
Pour les réformateurs, les taux de cotisation auraient atteint un niveau désormais indépassable. Il ne reste alors plus que deux évolutions possibles : en premier lieu diminuer le « coût » des retraites en en limitant la durée (recul de l’âge de départ, augmentation des annuités requises), ou en en limitant le montant (baisse de taux de remplacement, indexation sur les prix et non sur les salaires etc.). En second lieu, ouvrir la possibilité de financer sa pension par une épargne (fonds de pensions, plans d’épargne retraite etc.) ou par le biais d’une assurance, solutions qui font appel aux marchés financiers. Dans ce dernier cas, ce qu’essaie de faire croire ce discours réformateur, c’est que là où il n’y aurait plus de place pour la cotisation, il y aurait place pour l’épargne et le revenu des placements. Or, les profits qui assurent le rendement de l’épargne sont aussi prélevés sur la valeur ajoutée courante.
On le voit bien, la décision d’augmenter la cotisation sociale sociale est une question politique et non économique.
Ce que nous proposons est de renouer avec la dynamique de socialisation du salaire qui a prévalu jusqu’au début des années 1980 et qui, en reconnaissant par une cotisation en constante progression une production libérée de l’emploi et de la propriété lucrative, a fait la preuve qu’on pouvait produire sans prêteurs et sans employeurs.
« Je cotise donc j’ai droit »
Les réformateurs et les opposants sont d’accord sur ce point : grâce à la répartition, du moment que je cotise aujourd’hui pour les autres, j’ouvre droit à pension pour moi demain. Ceci au nom de la solidarité intergénérationnelle, qui serait le ciment du système de retraite français. Ce raisonnement aboutit à deux conséquences immédiates. D’abord, tous ceux qui n’ont pas cotisé, n’ont pas droit à une pension financée par la cotisation sociale. C’est ce qui justifie l’existence du minimum vieillesse pour les vieux pauvres, financé par la fiscalité. La fiscalité apparaît ici comme le support de la « solidarité nationale », c’est à dire la version moderne de la charité pour les pauvres, suspectés d’avoir été oisifs leur vie durant.
Ensuite, dans la logique des réformateurs, seuls ceux qui ont cotisé, c’est à dire travaillé dans l’emploi, ont droit à une pension ; autrement dit, seul le travail dans l’emploi est reconnu comme déclencheur de droit.
Pour Réseau Salariat ces affirmations sont sans fondement et la pension n’est pas affaire de solidarité intergénérationnelle, encore moins de solidarité nationale. Ainsi, il n’est pas nécessaire d’avoir cotisé pour avoir droit, comme le prouvent à tout moment les ayants‑droit du régime de santé ou la retraite de réversion du conjoint survivant. Il suffit que le volume des cotisations retraite couvre les pensions du moment. Pour Réseau Salariat, c’est cela qui constitue le fondement de la répartition : les cotisations reçues par l’Accoss sont converties dans la même journée en pensions.
En second lieu, les réformateurs et les opposants aux réformes, en pensant l’ouverture d’un droit déclenché par le seul travail dans l’emploi, s’interdisent de penser le travail hors de l’emploi. Ils intériorisent ainsi la norme de travail dominante, la convention capitaliste qui veut qu’il n’y ait travail que dans l’emploi et que sa valeur soit mesurée par le temps de travail. Pourtant, le parent au foyer qui élève ses enfants travaille : mais comme la norme capitaliste du travail domine, ce parent, dont le travail n’a pas été reconnu, est alors condamné à percevoir le minimum vieillesse à l’âge de la retraite (lui‑même sous conditions de ressources du ménage !). Réseau Salariat affirme, au contraire, que tout individu doit percevoir une pension financée par la cotisation sociale, qu’il ait travaillé dans l’emploi ou non.
« Plus je cotise, plus j’ai droit »
Les réformateurs s’appuient sur cette affirmation qui conduit, au nom de l’équité, à justifier l’allongement de la durée de cotisation requise pour des droits pleins. C’est le principe qui a guidé la réforme de 1993 et celle de 2003, faisant passer le nombre d’annuités de 37,5 ans à 41,5. C’est aussi ce principe qui a abouti à la création du minimum contributif, à mi‑chemin entre la pension classique et le minimum vieillesse : le minimum contributif, créé en 1983, s’adresse à tous ceux qui n’ont pas assez cotisé pour avoir une retraite pleine, mais qui ont travaillé dans l’emploi. Ils reçoivent une pension au prorata de ces années cotisées, qui les distingue de ceux qui, n’ayant pas travaillé dans l’emploi, reçoivent le minimum vieillesse.
Or Réseau Salariat affirme que la pension a été construite comme un salaire continué et non pas comme un salaire « différé » qui fait croire que ce que je cotise au fil de ma carrière me revient au moment de ma retraite, comme une rente. La logique salariale repose bien sur la notion de taux de remplacement du meilleur salaire et sur le mode de calcul de la cotisation sociale fondé sur le salaire : le passage des 10 dernières aux dix meilleures années dans le secteur privé en 1971 avant le recul de 1993 (25 meilleures années), ou le calcul de la pension sur la base des 6 derniers mois pour les fonctionnaires, ou encore la revalorisation des retraites en fonction du salaire moyen jusqu’en 1986 et non des prix depuis, ou enfin, le calcul du taux de cotisation sociale sur le salaire (brut) témoignent de cette logique de salaire continué pendant la retraite.
Pour Réseau Salariat il ne s’agit pas d’élaborer de nouvelles revendications pour réduire le nombre d’annuités, mais il s’agit de s’opposer à l’existence même d’un décompte quelconque de carrière, sous quelque forme que ce soit (annuités, points etc.), car il s’agit là du fondement de ce qui accrédite l’idée de la pension comme contrepartie de la carrière passée, donc comme salaire différé.
Ainsi, la cotisation sociale est étrangère à toute forme de contrepartie à une quelconque contribution passée au même titre qu’elle est étrangère à toute forme d’accumulation financière, fictive ou non : la cotisation s’oppose à l’accumulation de titres financiers des systèmes par capitalisation, puisqu’elle démontre qu’aucune accumulation préalable et aucun crédit rémunérateur pour le prêteur ne sont nécessaires, exhibant ainsi le parasitisme des institutions capitalistes ; elle s’oppose aussi à l’accumulation fictive des régimes par points des retraites complémentaires ou des comptes notionnels à la suédoise, qui reposent précisément sur la logique de l’accumulation, tout en maintenant un régime par répartition. Ce point est développé plus bas.
L’augmentation de l’espérance de vie oblige à retarder l’âge de la retraite et à allonger la durée de cotisation
C’est le fameux argument démographique présenté comme imparable. Experts, réformateurs, média, lancent à l’unisson des cris d’orfraie : 2 actifs pour 1 retraité au lieu de 4 il y a trente ans, le système ne peut plus durer !
En réalité cet argument s’appuie sur deux postulats : d’abord les retraités sont des charges, d’autre part ces charges ne peuvent plus augmenter. La solution est donc : tous au travail dans l’emploi le plus longtemps possible, c’est à dire extension générale du mode de production capitaliste !
Outre le fait que ce discours est culpabilisant pour les retraités (souvenons‑nous de la « journée de solidarité »), mortifère pour les jeunes et accablant pour les salariés, il est surtout fallacieux, car il fait l’impasse sur les gains de productivité (tant vantés et réclamés par ailleurs) de la période qui font qu’un actif d’aujourd’hui produit 2 fois plus qu’un actif d’hier.
Cependant cette référence à la productivité reste pour nous non pertinente. La cotisation sociale n’est pas « prélevée sur le travail des actifs », elle est la part du PIB produite hors de l’emploi. Elle est une composante du PIB et non un prélèvement. Son augmentation est une décision politique qui permet, au delà d’un âge légal, de ne plus avoir à justifier de son « employabilité » et de pouvoir ainsi produire librement. Réjouissons‑nous donc au contraire que l’espérance de vie en bonne santé s’accroisse !
La retraite est un risque strictement professionnel qui justifierait que seuls les salariés et indépendants pourraient en relever
D’après les réformateurs, non seulement la sécurité sociale permettrait de prévenir ou de faire face à la survenance de risques mais en plus, il y aurait des risques professionnels et des risques universels. S’inscrivant dans la logique assurantielle, les réformateurs ne voient pas que la cotisation sociale est un salaire continué qui ne nécessite aucune contrepartie (cf. « Je cotise, j’ai droit »). En outre, considérant la retraite et le chômage comme risques professionnels, de la santé et de la famille comme risques universels, ils fractionnent la sécurité sociale et la population sans aucun fondement. Ainsi, les risques professionnels ne seraient couverts que pour les salariés et indépendants, les autres pour tous. Les conséquences sont lourdes : la distinction justifie la fiscalisation, non plus au nom de la solidarité nationale comme pour le minimum vieillesse (la charité) mais au nom de l’universalité des risques famille et maladie, et la mobilisation de la cotisation sociale pour les retraites et indemnisations-chômage des seuls cotisants. Exit les non cotisants, voués au minima de la solidarité nationale.
Réseau Salariat s’oppose à ce fractionnement des risques, aboutissant à des financements différenciés. L’appréhension de la santé et de la famille comme des risques positionne l’individu comme un être de besoin et la fiscalisation situe le débat hors du salaire. Pourtant, c’est bien la logique du salaire qui préside, autant pour le retraité, le chômeur que pour le parent et le soignant. Logique du salaire que seule la cotisation est capable d’assumer, dès lors que sa hausse et/ou celle de son assiette de calcul (salaire brut) sont décidées.
II - Renoncer aux impasses
L’amélioration des pensions passe par les points suivants :
- pas de pension au‑dessous du SMIC, porté à 1700 euros nets,
- droit à pension sans condition d’annuités ou de points,
- pas de décote
Cette amélioration implique nécessairement d’augmenter les ressources du système. Toutes les solutions ou revendications doivent être mises à l’épreuve de cette condition, faute de quoi elles se résument, au mieux, à priver une partie des salariés de leurs ressources pour les affecter aux autres.
1ère impasse : revenir à 37.5 annuités et à 60 ans pour une retraite à taux plein sans revendiquer de hausse de la cotisation
Diminuer le nombre d’annuités (et simultanément l’âge légal de départ à la retraite) donnerait, dès l’instauration de cette mesure, à un plus grand nombre de personnes la possibilité d’obtenir une retraite à taux plein. Cependant ces mesures ne génèrent aucun financement supplémentaire. Cela revient à admettre que le taux de cotisation aurait atteint un plafond indépassable et que la seule solution serait de prendre aux uns (en diminuant le salaire net des salariés en emploi ou la pension des retraités actuels) pour attribuer une pension aux nouveaux entrants, faisant ainsi baisser la pension moyenne de tous (et dégrader le taux de remplacement, c’est à dire le rapport entre la première pension et le salaire de référence).
Admettre que le taux de cotisation a atteint un maximum, c’est admettre que les profits, eux, ne sauraient être plafonnés, les profits captant toute croissance éventuelle. Or l’augmentation du taux de cotisation, contribue à l’augmentation du PIB (donc à la croissance) mais en modifiant le partage du PIB en faveur des retraités.
Revenir à 37,5 annuités et à 60 ans, c’est à la fois légitimer la condition de cotisation préalable (qu’il faut au contraire contester comme nous le verrons) et entériner un recul revendicatif sur l’âge de la retraite, alors qu’il faut revenir à la revendication de la retraite à 55 ans.
2ème impasse : le plein emploi
Le plein emploi ne ferait entrer de nouvelles cotisations que si la somme des salaires bruts (qui constitue l’assiette de calcul des cotisations) augmente et que les taux de cotisations ne baissent pas (via des exonérations par exemple), ce qui n’est pas automatique ! Il faut pour cela que la création d’emplois ne se fasse pas au détriment des salaires (baisse des salaires d’entrée des jeunes, modération salariale pour tous, emplois plus ou moins exonérés de cotisations etc.). Il ne faut donc pas confondre plein emploi et « pleine masse salariale ». Si la part des salaires dans le PIB ne progresse pas, il n’est pas possible d’améliorer les pensions, sauf à baisser les salaires nets. Et c’est bien ce qui s’est passé progressivement depuis plus de trente ans : gel des taux de cotisations sociales (1993 pour le taux patronal de la retraite de base, 2001, pour les retraites complémentaires, milieu des années 90 pour la cotisation salariale) et des salaires (depuis le tournant de la rigueur en 1982) alors même que la création d’emplois est plus soutenue au cours des dernières décennies que pendant les trente glorieuses,et que la part des actifs au sens statistique dans la population totale est stable. Les accords de compétitivité qui autorisent le maintien de l’emploi contre un gel, voire un recul des salaires, vont dans le même sens.
D’autre part, même accompagnés d’une hausse des salaires bruts, les nouveaux emplois seraient générateurs de nouveaux droits à pension (à long terme s’il sont occupés par des jeunes, à court terme s’ils sont occupés par des « seniors ») qu’il faudrait bien financer, consommant ainsi les nouvelles ressources obtenues. En aucun cas cette évolution ne permettrait d’améliorer durablement le niveau des pensions.
Enfin, souvenons‑nous que nous sommes aujourd’hui, malgré les 10% de chômage, bien plus proches du plein emploi qu’il y a 50 ans. Par exemple, le taux d’emploi des actifs de 20‑60 ans qui était de 67 % lors du recensement de 1962, était de 76 % en 2010 : le taux d’emploi d’aujourd’hui inclut les femmes, qui étaient « inactives » dans les années 60. Ce n’est pas le « plein emploi » des années 1960 ou 70 qui a permis de financer les pensions, c’est la hausse constante des salaires et du taux de cotisation, passé de 4 % du salaire brut plafonné en 1945 à 26% du salaire brut total en 1995. Ce n’est pas d’abord à cause du chômage, c’est parce que le taux de cotisation est gelé, voire en recul depuis 15 ans, que les régimes sont en difficulté.
3ème impasse : étendre, voire généraliser le système par points
Le système par points est celui utilisé actuellement pour les retraites complémentaires du privé (régimes ARRCO et AGIRC). Bien que fonctionnant aussi en répartition (les cotisations d’aujourd’hui financent les pensions d’aujourd’hui), le système par points fonctionne selon une logique d’épargne : chaque euro cotisé donne droit à des points accumulés (selon un barème de prix « d’achat » du point) sur un compte fictif. Lors de la liquidation de la pension, le stock de points accumulés donne droit à une pension (selon un barème de prix de « revente » du point). Ce système peut être sophistiqué en ajoutant au calcul de la pension une prise en compte de l’espérance de vie à l’âge du départ, on a alors affaire à un compte notionnel : c’est le système suédois qui pourrait inspirer les réformateurs dans les mois qui viennent. Dans ce cas, le montant de la pension est égal au montant du stock de cotisations passées, divisé par l’espérance de vie à l’âge du départ, garantissant ainsi que chacun récupère, au moins statistiquement, la totalité de ses cotisations passées. Il s’agit là de la forme la plus aboutie de la contributivité : chacun à droit, en stricte raison de ses cotisations passées. Et parallèlement, le taux de cotisation serait définitivement gelé (16% en Suède).
Ce système est paré de toutes les vertus, examinons‑les :
Il serait automatiquement équilibré
Points attribués × Prix d’achat
=
Points liquidés × Prix de revente
?
L’équilibre postulé suppose en réalité que le nombre de points attribués dans l’année, multiplié par la valeur d’achat du point, soit égal au nombre de points transformés en droit à pension multiplié par la valeur de revente du point. Cette condition est tout sauf automatique, sauf à accepter de baisser la valeur de revente ou augmenter la valeur d’acquisition du point, c’est à dire baisser les pensions en conséquence, pour obtenir l’équilibre escompté. Nous ne sommes donc pas plus en présence d’une formule magique, apolitique, qui permettrait de régler le déséquilibre. Tout comme avec le système actuel, il y a bien toujours une décision politique de « jouer » sur tel ou tel paramètre en s’acharnant à refuser d’augmenter les cotisations sociales. C’est d’ailleurs cette évolution qui prévaut depuis au moins dix ans pour les retraites complémentaires, qui fonctionnent déjà par points, dégradant massivement leur niveau.
Il serait plus simple et plus lisible
Le critère de lisibilité et de simplicité repose sur l’idée que chacun pourrait savoir à chaque instant à combien s’élèverait sa retraite. Il suffirait pour cela de multiplier le nombre de points inscrits au compte par la valeur de revente du point. Or ce système, du fait des modifications des barèmes des points, ne garantit en aucun cas que le calcul fait aujourd’hui soit encore valable demain. Et il ne permet en aucun cas de savoir ce que sera le taux de remplacement de ma retraite future. Il s’agit au contraire d’un système à cotisations définies et non à prestations définies, construit contre le principe du taux de remplacement.
En outre, il introduit subrepticement une contributivité maximale : en effet, ce système prend toujours en compte toute la carrière et non les seules meilleures années comme aujourd’hui, ce qui mécaniquement réduit les droits à pension, particulièrement pour ceux (surtout celles) qui ont eu des carrières incomplètes ou heurtées.
Il permettrait à chacun de choisir son âge de départ, supprimant ainsi l’âge « couperet »
Chacun pouvant calculer à chaque instant le montant de la pension à laquelle il aurait droit, il serait ainsi possible d’arbitrer entre un départ immédiat et une prolongation de sa carrière pour augmenter sa pension. En réalité, ceux qui auront eu une carrière complète assortie d’un salaire durablement élevé auraient ce choix ; les autres n’ayant que celui de devoir continuer à rester dans l’emploi pour obtenir, enfin et plus tard, une pension assurant à peine leur survie.
Il préserverait la répartition
Le principe de la répartition est que les cotisations collectées à l’instant T sont transformées en prestations à l’instant T. Rappelons tout d’abord que tout finit toujours en répartition : même dans les systèmes en capitalisation (dans lesquels on achète des titres financiers au lieu de cotiser), on « est » en répartition car les titres ne sont que des droits à valeur et la monnaie qui sera distribuée en pensions dans 20 ans sera toujours prélevée sur le produit du travail de l’année en cours. Autrement dit, il n’y a pas de congélateur à valeur qui permettrait de stocker celle‑ci et de la ressortir pour augmenter les ressources disponibles en cas de « disette » du système. Que cette monnaie soit prélevée sous forme de cotisations ou d’achat de titres ne change rien à cet état de fait.
A contrario, vouloir « défendre » la répartition avec le système par points tout en instaurant une logique d’épargne (cumul des points et non plus des annuités) ne rend en aucun cas le système meilleur. La répartition n’est pas « en soi » un argument puisqu’aussi bien le système actuel que le système par points (et même la capitalisation !) fonctionnent en répartition. La seule question est : quelle est la part du PIB qui va au salaire des personnes libérées du marché du travail et donc, quel taux de cotisation appliquer ?
4ème impasse : la capitalisation (l’épargne retraite et/ou les fonds de pension)
Le régime en points ou comptes notionnels conduit à la capitalisation : le gel du taux de cotisation y mène de fait, pour compléter une retraite insuffisante ; mais aussi, il introduit la logique de la prévoyance, bien qu’il s’agisse d’un régime par répartition, ou celle du revenu différé (ma pension est la contrepartie de ma cotisation antérieure). Ces logiques confortent et rendent cohérent le principe de la capitalisation : comme je cumule des points pour ma future retraite, j’épargne.
Or la logique de la capitalisation consiste à faire croire à un transfert de valeur dans le temps, comprenant – à la différence du régime par points – un surplus (les intérêts des placements). Or, il ne peut y avoir aucun transfert de valeur : la seule valeur créée est celle du moment présent. Autrement dit, les retraités d’aujourd’hui perçoivent le résultat de la capitalisation (la rente) à partir de la valeur créée aujourd’hui par les salariés d’aujourd’hui (le PIB de cette année). Ce qui signifie que les 13% de PIB, que constitue la pension, représentent la valeur attribuée ou reconnue au travail de ces salariés que sont les retraités.
En France, la capitalisation est certes déjà présente à travers les multiples formules d’épargne retraite, essentiellement collective en France et plus rarement individuelle (PERP, PERCO, PERCOI, etc.) et à travers les deux fonds de pension obligatoire créés récemment, l’un pour le secteur privé (le Fonds de réserve des retraites) et l’autre pour le secteur public (la retraite additionnelle de la fonction publique). Toutefois, elle reste marginale (en moyenne 3% de la pension contre par exemple 10% en Allemagne). Mais la réforme vers les comptes notionnels ou la transformation du régime général en régime par points l’étendrait, à cause du blocage du taux de cotisation sociale.
Au contraire, l’augmentation de la cotisation permet de faire progresser les ressources du système en reconnaissant une production non capitaliste.
Mais le système par points est encore beaucoup plus qu’une impasse, il s’agit d’une pièce centrale dans le dispositif réformateur, auquel il ne faut faire aucune concession.
- Accepter le système par points, c’est renoncer à la notion même de taux de remplacement : en effet seule la valeur d’achat des points est connue dans la phase de cotisation/épargne. Il s’agit d’un système à cotisations définies et non à prestations définies (et c’est ainsi qu’ont évolué tous les systèmes en capitalisation - réelle ou simulée - dans les pays du nord de l’Europe)
- Accepter le système par points, c’est renoncer à la hausse du taux de cotisation, celui‑ci étant supposé désormais figé à une valeur plafond (par exemple 16% en Suède).
- Accepter le système par points, c’est renoncer à toute indexation des pensions sur les salaires, puisqu’elle est remplacée par le rendement d’une épargne (même fictive).
- Accepter le système par points, c’est renoncer à l’autonomie des retraités, puisqu’ils en sont réduits à préveler leur rente sur le dur labeur des « actifs », qui l’acceptent au nom de la solidarité intergénérationnelle
- Accepter le système par points, c’est renoncer à toute idée de salaire continué, puisqu’il décrit précisément la pension comme récupération des cotisations passée, comme rendement d’une épargne de prévoyance, c’est à dire comme salaire différé.
III - Des propositions offensives : une retraite à 100% du meilleur salaire net sans condition de durée de cotisation ou de points, dès 55 ans, financée par la cotisation sociale
La pension de retraite constitue la continuation du salaire, mais avec cette différence essentielle vis-à-vis du salaire dans l’emploi, à savoir que le retraité est débarrassé du marché du travail. Dans cette perspective, le retraité, loin d’être un inactif soumis à un risque (la vieillesse) est un producteur, doté d’une qualification personnelle et payé à vie.
Le nouveau conflit sur les retraites est donc l’occasion de faire reconnaître la retraite comme un temps libéré du marché du travail, qui peut alterner repos évidemment, mais aussi des travaux affranchis de la valorisation capitaliste, échappant aux contraintes imposées par le capital : se présenter sur un marché du travail comme demandeur d’emploi, renoncer à la maîtrise de son travail, être soumis à la dictature du temps pour enrichir des propriétaires lucratifs, qu’ils soient actionnaires ou prêteurs. La valeur économique produite par le retraité, enfin payé à vie, sans employeur et sans actionnaire, est non capitaliste.
Ce dont il s’agit ici n’est rien d’autre que l’affirmation du caractère politique du statut de producteur du retraité (et au‑delà, la possibilité de penser l’extension de ce statut à l’ensemble des salariés, comme Réseau salariat le propose ; cf. le manifeste de RS « Pour un statut politique du producteur » téléchargeable sur le site).
Porter une telle revendication, c’est être dans la continuité active des conquêtes et des revendications syndicales, qui ont construit notre régime de retraite comme salaire continué, donc comme reconnaissance de la valeur économique produite par les retraités, et non pas comme contrepartie des cotisations passées d’un ancien travailleur devenu improductif parce qu’il n’a plus d’emploi.
Comme le montre le tableau Pistes pour une campagne des retraites offensive en annexe, les revendications décisives de la lutte syndicale au 20ème siècle, qui a donné aux pensions leur caractère de remplacement du salaire, sont les suivantes : à un âge légal le plus bas possible (55 ans, et 50 pour les travaux pénibles), nous devons toucher à vie 75% de notre meilleur salaire brut pour une carrière complète, dont la durée doit diminuer, et cela grâce à une hausse constante à la fois du salaire brut (référence du calcul des cotisations) et du taux de cotisation. C’est avec cette dynamique, interrompue depuis les vingt dernières années d’offensive réformatrice, qu’il faut renouer. Cela implique comme condition incontournable une hausse immédiate du volume des cotisations affectées à la retraite ainsi qu’un certain nombre de décisions progressistes en matière de baisse de l’âge légal, de hausse du taux de remplacement, d’amélioration du salaire de référence, d’indexation sur les salaires et d’abandon des annuités et des points.
L’augmentation des cotisations affectées à la retraite
Elle doit s’opérer en combinant :
- la hausse du taux de cotisation retraite, bloqué depuis 1979 pour la cotisation patronale, depuis 2001 pour la cotisation des régimes complémentaires, depuis le milieu des années 90 pour les cotisations salariales. La CSG‑CRDS doit par ailleurs être remplacée par la cotisation, et toutes les exonérations doivent être supprimées : cela n’augmentera pas le financement du régime, mais cela stoppera sa fiscalisation ;
- la hausse du salaire brut, base de calcul du taux de cotisation, lui aussi mis à mal depuis le tournant de la rigueur en 1982‑1983, et depuis la croissance des primes et autres éléments d’intéressement et d’épargne salariale, à supprimer pour les remplacer par une hausse du salaire.
Par ailleurs, la distinction entre cotisation « salarié » et « employeur » doit être supprimée, et la négociation salariale doit porter sur le salaire total (net plus cotisations) et son partage entre salaire direct et salaire mutualisé.
La hausse régulière du taux de cotisation doit s’accompagner de la suppression du financement fiscal (CSG) ou en capitalisation : la cotisation doit être le seul mode de financement des régimes.
La baisse de l’âge légal
Revenir à la revendication traditionnelle de la pension à 55 ans (et à 50 pour les métiers pénibles), c’est continuer à poser clairement que la retraite n’est pas un temps de loisir après la vie de travail : à 55 ans s’ouvre une seconde carrière où l’on est payé pour travailler librement : non pas sans contrainte (tout travail a des contraintes) mais en choisissant l’objet de son travail et ses moyens, sans le chantage à l’emploi et à l’investissement des propriétaires lucratifs. On montre du coup leur parasitisme, et la possibilité de se passer d’eux pour TOUTE la production. L’âge de la retraite - 55 ans - est un âge politique et non un paramètre du système ou une variable technique d’ajustement. Le retraité est un producteur libre, dont le salaire à vie pourrait être étendu à toute la population à partir de la majorité.
La hausse du taux de remplacement et l’amélioration du salaire de référence
L’intérêt de revendiquer 100% du meilleur salaire net (et non pas, ce qui revient au même, 75% du meilleur salaire brut) est que cela évite l’incertitude sur la revendication de « 75% du salaire de référence », dont on ne sait plus trop si c’est le brut ou le net. « Le meilleur salaire », ce n’est pas le retour aux dix meilleures années dans le privé, c’est l’alignement du privé sur la fonction publique, dans laquelle la pension est la poursuite du salaire des 6 meilleurs mois de service (qui dans la fonction publique sont les derniers).
Cela s’accompagne, bien sûr, de la fin des systèmes de décotes et de surcotes, de la suppression du minimum contributif, et du remplacement du minimum vieillesse des personnes qui « n’ont pas cotisé » par un SMIC progressivement porté à 1700 euros nets.
L’indexation sur les salaires
La pension n’est pas le revenu différé d’une prévoyance, dont il s’agirait de garantir le pouvoir d’achat par une indexation sur les prix. La pension est un salaire qui doit évoluer comme les salaires. Il faut refuser par ailleurs l’argument opportuniste qui dit que dans une période où les salaires augmentent éventuellement moins vite que les prix, l’indexation sur les prix est avantageuse : les retraités et les autres salariés doivent être unis dans une même revendication de hausse des salaires. Sur la longue période, les salaires augmentent de toute façon plus vite que les prix, et c’est l’indexation des pensions sur les prix instaurée depuis 1987 qui a largement contribué au recul du taux de remplacement.
La suppression de la référence aux trimestres de cotisation, à la « carrière complète » et aux points
C’est sur ce point que les revendications syndicales sont les moins abouties, alors qu’il est crucial pour deux raisons.
D’une part, la double peine des femmes (dont la pension de droit direct est inférieure de 47% à celle des hommes alors que leur salaire est inférieur de 20 à 25%) vient de la proratisation de la pension en fonction du nombre de trimestres validés relativement aux 162 trimestres d’une « carrière complète ». On ne la supprimera qu’en supprimant les annuités (ou les points) dans le calcul de la pension.
D’autre part, conserver, pour calculer la pension, la référence au montant des cotisations, indirectement par les annuités ou directement par les points, c’est obscurcir le fait que, la pension reconnaissant la valeur économique produite par les retraités, c’est leur travail actuel qui produit la valeur correspondant aux cotisations, et non pas leur travail passé ou le travail actuel des actifs. La pension ne relève pas de la solidarité intergénérationnelle entre des actifs ayant un emploi et des inactifs : elle reconnaît une autre façon de produire de la valeur que sa façon capitaliste.
Chacun doit pouvoir se voir attribuer, à 55 ans, un salaire à vie à hauteur de 100% de son meilleur salaire, quelle que soit sa durée de cotisation. La large mutualisation des valeurs ajoutées des entreprises, que suppose son financement par cotisation sociale, doit conduire à l’unification par le haut de tous les régimes. Le tableau en annexe, Pistes pour une campagne des retraites offensive, synthétise cette proposition en la confrontant aux acquis de la lutte syndicale et aux effets de la réforme.
Annexes
Pistes pour une campagne des retraites offensive
Acquis (RG, FP) et revendications vers 1990 : le salaire continué | La réforme depuis 1987 : passer du salaire continué au revenu différé | Pistes pour l’offensive : la pension comme salaire à vie de la seconde carrière libérée du marché du travail et de la propriété lucrative | |
Age légal (âge sans décote si carrière complète) | 65 (60) ans acquis 55 ans revendiqués, 50 ans pour travaux pénibles | 67 (62) ans (2010) En projet, reculer l’âge légal avant de le remplacer par un âge plancher d’une liquidation à un âge librement choisi | 55 ans (comme première étape vers la baisse), âge politique (le même pour tous) d’entrée dans une seconde carrière |
Salaire de référence | Acquis : 10 meilleures années dans le privé, le meilleur salaire dans la fonction publique Revendiqué : le meilleur salaire pour tous | 25 meilleures années dans le privé (1993) En projet : aligner le public sur le privé, puis supprimer le salaire de référence au bénéfice de la référence à la somme des points ou des cotisations | Le meilleur salaire pour tous, porté au Smic revendiqué |
Taux de remplacement | 75% du brut acquis dans la fonction publique, revendiqué dans le privé Constat : la cohorte 1930 a un TR de 84% du net dans le privé | Baisse du taux de remplacement En projet : supprimer le taux de remplacement pour un régime à cotisations définies avec taux de rendement des cotisations | 100% du net |
Indexation | Sur les salaires | Sur les prix (1987 RG‑Arrco, 2003 FP) Voire moindre progression que les prix (2013 Arrco) | Sur les salaires |
Taux de cotisation | En progression constante (de 8 à 26% du brut entre 1946 et 1995) | Gel depuis 1998 et recul (CSG depuis 1991, exonération -1995/2003- ou remboursement -2012- des cotisations employeur) En projet : régime public à taux constant et régimes professionnels en capitalisation | Retour à la progression du taux (et donc du salaire brut) avec un rattrapage (34% du brut dans l’immédiat ?), suppression du salaire brut et de la distinction des cotisations « salarié » et « employeur » |
Carrière de référence | 150 trimestres validés dans le régime général, 37,5 ans de service dans la PF pour une pension complète | 162 trimestres validés (cotisés pour une liquidation avant 62 ans) (2003) En projet : augmenter la durée de carrière complète en fonction de la hausse de l’espérance de vie puis la supprimer pour fonder la pension sur les cotisations de toute la carrière divisées par l’espérance de vie | Suppression de toute référence à la carrière (qu’il s’agisse d’annuités ou de points) : la contrepartie des pensions est la valeur économique créée par les retraités, la pension est le salaire à vie de la seconde carrière quelle qu’ait été la durée de la première avant 55 ans |
Bref historique des retraites en france
1910 : ROP | Retraites ouvrières et paysannes fonctionnent en capitalisation – à partir de 65 ans (bien au‑delà de l’âge moyen de l’espérance de vie) Opposition CGT |
1930 : RG = loi sur les assurances sociales – La retraite des morts + régime d’entreprise au‑delà du plafond | Maladie+ vieillesse mêlées pour faire passer la vieillesse +projet de capitalisation RG : salarié dont salaire inférieur à un plafond ; au‑delà du plafond, régime d’entreprise |
1941 : gel du compte de capitalisation - AVTS | Allocation en répartition, maintenues jusque dans les années 60 |
1945 : généralisation ; maintien d’une cotisation unique, un plafond pour les « collaborateurs » : 16%
Les élections | 8%maladie ; 8% vieillesse ; plafond pour collaborateurs (alloc familiales : 16%) Généralisation : càd intégration des régimes d’entreprise au RG et suppression du plafond de salaire qui devient un plafond de cotisation ; au‑delà rien Au‑delà : les collaborateurs qui deviennent des salariés des cadres puis les cadres (issu du langage militaire) Prévues tous les 5 ans (1947, 1950, 1955 : ¾ salariés) |
1946 : possibilité de créer des régimes complémentaires : régimes d’entreprise, régime interprofessionnel, capitalisation ? | Les régimes d’entreprise doivent être désormais gérés par le CE. Le pb se pose notamment pour les cadres. Pour éviter de donner du poids aux CE, le patronat accepte un régime interprofessionnel pour ses collaborateurs, revendiqué aussi par les cadres qui avaient fait l’expérience qu’une mutualisation d’une cotisation à l’échelle nationale est nécessaire pour assumer les retraites sans cotisation préalable. Cela explique l’absence de fonds de pension en France. |
1947 : AGIRC | versement des pensions sans cotisations préalables par reconstitution de carrière des intéressés ; cadres, pourtant les plus liés à rente / épargne / capitalisation, deviennent demandeurs d’un régime en répartition ; pas besoin de cotisation préalable mais besoin d’un taux de cotisation élevé. Ce régime est refusé aux ouvriers |
Années 50 : campagne contre la SS par le RPF et le patronat | Gel des taux du RG : alliance FO CFTC Patronat pour créer des régimes complémentaires paritaires |
1961 : ARRCO | Naissance de l’ARRCO pour les salariés sous le plafond, en raison du gel des taux du régime général |
Années 60 | Élections retardées par De Gaulle de 1960 à 1962 |
1967 : branches – suppression des élections | Strict paritarisme qui donne toujours une majorité au patronat avec le jeu des alliances |
1972 - Lois Boulin | 37,5 au lieu de 30 ans (pas un pb compte tenu de l’âge de début de carrière) mais 65 ans étendus, 10 meilleures au lieu des 10 dernières années, taux de remplacement de 50% au lieu de 40% |
1982 – généralisation retraite à 60 ans (65 ans) | Indexation sur l’évolution du salaire moyen |
1983 – Minimum contributif | Prend le pire de la pension du RG + complémentaire (contributivité) et du minimum vieillesse (forfait) ; loin du projet initial de plancher de retraite (80% du SMIC) |
1986 – indexation sur les prix | |
1991 – Livre blanc des retraites | Rocard – contient toutes les réformes qui vont suivre |
1993 – Réforme pour les salariés du secteur privé |
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1995 : taux de 26% | Stagnation depuis |
1998 – indexation définitive sur les prix | Jospin |
2003 - extension de la réforme aux salariés du public | Après échec en 1995 (Juppé) Nombre d’annuités, décote (réduite à 5% au lieu de 10%) et surcote (3%) mais pas assiette de calcul |
2004 – ERAFP | 2ème fonds de pension (fonctionnaires) ; au maximum 20% des primes |
2010 – 62 et 67 ans | Dernière réforme |
2013 – Désindexation sur l’inflation régimes complémentaires Comptes notionnels / par points, allongement durée de cotisation ? | La question de la contrepartie (contributivité) ; la solidarité intergénérationnelle ; la notion de travail ; le salaire continué |
Nous reprenons la revendication de la CGT jusque dans les années 1990. Mais comme il s’agit d’un âge politique il est discutable, on aurait pu choisir 50 ans !