Pour une sécurité sociale alimentaire

27/03/2019     INCONNU.E

    Pour une sécurité sociale alimentaire

    Journée Sécurité Sociale Alimentaire

    - Compte-Rendu des échanges du 2 mars 2019 -

    Nueil les Aubiers (79)

    Cette journée a été organisée à l’initiative du groupe local Réseau Salariat Pays de la Loire, qui travaille depuis plusieurs mois sur la question du salaire à vie et du monde paysan, en lien avec des paysannes et paysans du syndicat Confédération Paysanne. Le groupe a souhaité inviter et organiser la journée avec l’association ISF (Ingénieurs Sans Frontières), qui a récemment publié une brochure sur un projet de sécurité sociale alimentaire, élaboré en lien avec des membres de Réseau Salariat dont Bernard Friot. L’objectif était de confronter l’avancement du travail d’Ingénieurs sans frontières aux membres de Réseau Salariat et aux paysannes et paysans intéressé-es pour travailler ces questions.

    Environ une cinquantaine de personnes ont participé le matin et l’après-midi à des échanges rendus riches par la diversité des participant·es, facteur de réussite de la journée. Ce document vous propose un compte rendu de ces échanges afin d’alimenter toute autre discussion que vous pourriez mener !

    Après un repas confectionné par l’association « Plat de Résistance », cette journée a été clôturée par la conférence gesticulée de Mathieu Dalmais « De la fourche à la fourchette… Non ! L’inverse ! ».

    Contenu

    PRESENTATION du projet de sécurité sociale alimentaire

    Genèse du projet de sécurité sociale alimentaire / présentation d’Ingénieurs Sans Frontières (ISF) et de Réseau Salariat
    Contexte autour du thème de l’alimentation : le modèle agricole français
    L’accès à l’alimentation, une question politique
    La proposition d’ISF-Agrista d’une sécurité sociale alimentaire
    Interpellations/doutes/critiques sur le projet

    Les ATELIERS

    Atelier « conventionnement et démocratie »
    Atelier « mode de financement de la sécurité sociale alimentaire »
    Atelier « financement de l’investissement »
    Atelier « définition du salaire paysan »
    Atelier « quelle organisation pour le portage politique de nos idées ? »
    Atelier « comment rendre notre projet désirable ? »
    Atelier « éducation populaire à l’alimentation »
    Atelier « penser la transition, les expérimentations » !
    • Exemples d’expérimentations existantes dont on pourrait s’inspirer :
    • Identification de potentiels alliés pour porter à nos côtés ces expérimentations et/ou promouvoir le projet de sécurité sociale alimentaire
    • Des idées concrètes d’expérimentation

    Pour ALLER PLUS LOIN

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    PRESENTATION du projet de sécurité sociale alimentaire

    L’ensemble du projet est disponible en ligne à l’adresse suivante :https://www.isf-france.org/articles/pour-une-securite-sociale-alimentaire

    NB : les membres d’ISF étaient présent-es en tant que bénévoles et ne représentent pas leurs employeurs.

    Genèse du projet de sécurité sociale alimentaire / présentation d’Ingénieurs Sans Frontières (ISF) et de Réseau Salariat

    Ingénieurs Sans Frontières (ISF) est à l’origine une association de solidarité internationale. Aujourd’hui, Ingénieurs sans frontières se veut un mouvement social d’ingénieurs et de citoyens participant qui lutte pour un exercice harmonieux des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels au niveau mondial. Le groupe AGRISTA vise les professionnel-les du monde agricole. Sans être un syndicat, le groupe se reconnaît de la deuxième besogne de la charte d’Amiens (fondateur du syndicalisme en France) :

    • Défendre les conditions de travail des travailleuses et travailleurs (première besogne)
    • Construire un projet de société voulu dans lequel s’insèrent nos activités professionnelles (deuxième besogne).

    Au sein d’ISF, des membres se réunissent autour de leurs pratiques, leurs métiers… A Agrista, nous défendons des agricultureS (plusieurs modèles) et la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire défendre l’idée que l’ensemble des organisations des systèmes agro-alimentaires doivent être portées par les différentes populations là où elles sont. C’est le coeur de qui on est.

    On a d’abord travaillé sur la démarche d’accompagnement, au coeur de la pratique de l’agronome qui cherche à casser l’aspect descendant de l’ingénieur qui dicte aux paysans ce qu’ils doivent faire. Depuis 1 an et demi s’est lancé le travail sur une idée de sécurité sociale alimentaire qui part de trois constats :

    • L’impossibilité dans le monde économique actuel de continuer à développer les transformations de l’agriculture (= de produire autrement) : dualisation des modèles agricoles ;
    • la fracture alimentaire avec toute une partie de la population qui, d’un point de vue économique, n’a pas accès à des produits de qualité et choisis ;
    • Le système de sécurité sociale tel que prôné par Réseau Salariat nous a semblé particulièrement pertinent pour penser ces questions de souveraineté alimentaire.

    ISF et le réseau des CIVAM (centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural) sont partenaires de « pour une autre agriculture et alimentation commune », plateforme inter-associative et syndicale qui milite pour une réforme de la PAC (politique agricole commune de l’Union Européenne) [1].

    En janvier 2019, ISF a diffusé un premier document d’une vingtaine de pages avec pour objectif d’échanger sur cette base avec les personnes/collectifs intéressés [2].

    Compte-tenu de l’attachement du paysan au statut de profession libérale de son métier, on s’est dit qu’il était intéressant de penser le paysan comme un médecin (inscrit dans le régime d’assurance maladie tout en gardant son statut libéral) plutôt que comme un fonctionnaire.

    Question : je ne connais pas l’association Réseau Salariat, est-ce que je peux avoir quelques explications sur le concept de salaire à vie ?

    Réseau Salariat est une association d’éducation populaire qui se fonde sur les travaux de recherche de Bernard Friot pour penser un projet de société permettant la sortie du modèle capitaliste en s’appuyant sur les mécanismes déjà existants, en particulier le régime général de Sécurité Sociale.

    Le projet de Réseau Salariat se base sur quatre objectifs phares parmi lesquels figure l’idée de salaire à vie :

    • L’attribution d’un salaire à vie à tout le monde comme droit politique reconnaissant ainsi que nous sommes toutes et tous productrices et producteurs de valeur économique
    • L’abolition de la propriété lucrative tout en préservant la propriété d’usage des moyens de production notamment (toutes les personnes d’un même collectif de travail sont propriétaires d’usage de leur outil de travail et perdent cette propriété quand elles quittent le collectif de travail)
    • La création de caisses d’investissement en lieu et place des banques et actionnaires afin de permettre nous d’investir sans dépendre du crédit bancaire ou du capital des actionnaires (c’est-à-dire de la propriété lucrative)
    • Le renforcement de caisses de service public (ou caisses de « gratuité ») garantissant à tout le monde l’accès gratuit à des biens et services essentiels

    Pour en savoir plus, il y a beaucoup de matière sur le site Internet de Réseau Salariat [3].

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    Contexte autour du thème de l’alimentation : le modèle agricole français (Jean-Claude et Tanguy)

    Jean-Claude : je suis retraité après avoir été éleveur de vaches.

    Le revenu agricole aujourd’hui, sur l’ensemble des fermes (il existe de très grandes différences entre les fermes), est essentiellement fabriqué par la finance publique, par les subventions. La ferme française produit des revenus aux paysans d’environ 9 milliards d’euros et l’argent public versé directement aux paysans est d’environ 9 milliards d’euros (essentiellement l’argent de la PAC = Politique Agricole Commune des Etats membres de l’Union Européenne).

    Attention ! L’argent public versé à l’agriculture est bien plus important, mais 9 milliards d’euros c’est le montant des sommes directement versées aux agriculteurs.

    L’argent de la PAC est réservé à une partie des agriculteurs, originellement aux céréaliers et aux éleveurs. Ça s’est élargi aux maraichers, légumiers… Mais ce sont toujours les céréaliers qui touchent une très grande majorité de cet argent public car ces aides sont essentiellement attribuées à la surface.

    Un rapport récent de la Cour des comptes constate que 80% des aides financières sont destinées à 20% des agriculteurs [4].

    Les lois de modernisation de l’agriculture de 1961 et 1962 ont reposé sur des critères de modernité :

    • la dé-cohabitation des générations
    • la concentration des unités de production
    • séparation de l’économie agricole du reste de la société (cf plus bas)

    Les fermes étaient trop petites, ça n’était pas compétitif, il y a eu l’organisation du départ d’une partie de la population (indemnité viagère de départ dans les années 70), tout un tas de mécanismes qui poussent les gens à partir. Ces mécanismes sont devenus tellement puissants qu’on est à peu près persuadé que c’est une des conditions du maintien du système actuel de production : l’argent public doit se concentrer sur un minimum d’entités de production.

    Il y a environ 20 milliards d’argent public versé à l’agriculture (très difficile d’obtenir des chiffres précis) et cet argent public doit se concentrer sur un minimum d’unités de production.

    Tanguy : Les agricultrices et agriculteurs relèvent de la Mutualité Sociale Agricole (MSA), la caisse de cotisation des agriculteurs (et non pas du régime général de sécurité Sociale). La MSA réunit 500 000 cotisants et 1,5 millions de bénéficiaires.

    1/3 des agriculteurs se sont versés un revenu de 350 euros / mois en 2016. Attention à ne pas exactement comparer à un salaire d’employé, mais c’est tout de même un chiffre qui interpelle.

    8% de la part payée à la distribution sur l’alimentation revient à l’agriculteur.

    La PAC représente 114 euros/habitant de l’Union européenne

    En production, l’Union Européenne importe en net l’équivalent d’un tiers de sa surface agricole, autrement dit les pays du Sud apportent une aide alimentaire massive aux pays du Nord.Entre 2000 et 2010, 20 000 emplois agricoles ont disparu chaque année.

    Entre 2010 et 2015, 7 000 emplois ont disparu chaque année. Pourtant, il y a des viviers d’emplois à créer dans l’agriculture.

    Remarques et questions de la salle :

    Le paysan/l’agriculteur fait du capital : on fait de l’optimisation fiscale et de l’optimisation sociale.

    Concernant les cotisations sociales de l’agriculture : c’est quoi le budget de la MSA ? : 33 milliards d’euros en 2015.

    Jean Claude : à propos de la structuration du monde agricole, il s’agit de distinguer les syndicats et les organismes de développement du monde agricole français.

    Le syndicalisme agricole se divise en trois principaux syndicats : la FNSEA majoritaire depuis toujours car en co-gestion, la Confédération Paysanne (= la gauche paysanne), la Coordination rurale.

    Parmi les organismes de développement de l’agriculture il y a :

    • ceux qui accompagnent le syndicalisme majoritaire : Bienvenu à la Ferme, TRAME…
    • du côté des syndicats de gauche : les GAB (groupements d’agriculture biologique), la FADEAR (Fédération Associative pour le Développement de l’Emploi Agricole et Rural), le réseau des CIVAM (qui met en avant les critères de durabilité agricole), les Afocg (association de formation en comptabilité et gestion), Accueil Paysan…

    Alternatives agricoles et rapport à l’environnement : une autre caractéristique de la modernisation agricole a été de séparer l’agriculture du reste de la société. L’Etat a dit aux agriculteurs « produisez hors sol, ce sont des ingénieurs qui se soucieront des questions environnementales ; et produisez sans vous soucier de qui va manger ce que vous produisez, d’autres s’occuperont de forcer la population à manger ce que vous produisez. »

    Mais, au bout de quelques temps, il a bien fallu prendre en compte les conséquences de l’agriculture sur l’environnement (ex : les eaux de surface en Bretagne sont saturées de nitrates).

    Les normes environnementales qui sont posées aujourd’hui sont telles que seules les grosses fermes sont capables de les respecter. Donc, au nom de la qualité de l’environnement, avec l’exigence d’un fort investissement en capital, on est en train de favoriser la concentration des fermes.

    Quant au renouvellement des générations dans le secteur agricole : on constate une demande non négligeable de personnes qui ont envie de bosser dans l’agriculture. Les générations qui arrivent sont souvent des gens plus instruits que la génération d’avant, ils ont des parcours professionnels derrière eux… mais ils ne sont souvent pas les bienvenus.

    Tanguy : et pour parler d’environnement, selon l’agence nationale de la biodiversité, il y a de moins en moins d’espèce et de moins en moins d’effectifs dans les espèces. Deux facteurs majeurs de baisse de la biodiversité :

    • c’est l’artificialisation = usage du béton (le monde agricole n’est pas responsable)
    • ce sont les pesticides de synthèse utilisés dans l’agriculture

    Les sols agricoles sont un réservoir important de carbone. Leur affectation à des pratiques agricoles renforçant ce stockage du carbone, comme le pâturage, l’agro écologie ou encore l’agroforesterie, est déterminant. Mais éviter leur artificialisation, qui limite cette capacité de stockage, est tout aussi crucial. D’un autre côté, l’agriculture et la sylviculture contribuent à 19 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Presque la moitié de ces émissions sont dues au protoxyde d’azote, gaz au pouvoir réchauffant important émis par les sols laissés sans couvert végétal l’hiver, ce qui devrait être facile à éviter.

    Mais l’agriculture et les paysan·ne·s sont aussi en première ligne face aux effets du dérèglement climatique puisque ce dernier, y compris en France, renforce les aléas, diminue les rendements agricoles moyens et la capacité des sols à stocker du carbone.

    A noter que la surface agricole utile diminue en France. L’équivalent de la surface agricole d’un département est « artificialisée » tous les 5 ans.

    L’accès à l’alimentation, une question politique

    Tanguy : Paul Ariès a rédigé une socio-histoire de l’alimentation « une histoire politique de l’alimentation » [5]. L’alimentation et les inégalités d’accès à l’alimentation ont été un révélateur et un outil des dominations sociales.

    Ainsi, concernant l’aide alimentaire en France, on est sur une augmentation du nombre de personnes qui bénéficient de ces aides en France : de 2,8 millions de personnes en 2007 à 4,8 millions en 2015.

    Dans le budget des foyers : l’alimentation est l’une des premières choses sur lesquelles on rogne avec des incidences sociales, sanitaires…

    22% des ménages en France sont en état d’insuffisance alimentaire.

    Ces personnes sont dans une alimentation contrainte : ils ne choisissent pas ce qu’ils mangent, ce sont uniquement des produits issus de l’agro-industrie qui ne répondent pas aux injonctions sociales sur l’alimentation (5 fruits et légumes par jour…) et qui sont mauvais pour la santé.

    En France, 95% de l’aide alimentaire provient de l’agro-industrie [6]. Le mécanisme du don alimentaire renforce le fonctionnement du système industriel qui, pour maximiser son profit, est en surproduction constante. Les déductions fiscales liées aux dons alimentaires permettent de diminuer le coût de cette surproduction, c’est ainsi 443 millions d’euros par an qui sont défiscalisés [7] (cf graphique). Ce chiffre reste faible au regard de la valeur ajoutée produite par la filière [8], mais non négligeable. Ce mécanisme qui fait passer le système agro-industriel pour philanthrope et indispensable pour les populations les plus défavorisées est une vraie mascarade. Le don alimentaire participe à la rentabilité (c’est une assurance contre la perte via la défiscalisation des dons) et à la légitimité du système agro-industriel. Le tout engendre des dispositifs d’accès à l’alimentation dont les produits distribués sont de mauvaise qualité et dont la production engendre elle-même de la précarité.

    Jean-Claude : Le réseau des CIVAM a établi des critères de durabilité agricole qui permettent de faire un état des lieux de la ferme pour aider les agriculteurs dans la gestion de leur ferme. Ces critères ont été établis par le réseau des CIVAM dans les années 90 sur le trépied économie/environnement/social. Or, sur le volet social, tout le pilier social de durabilité ne concernait que la ferme. Il n’y avait pas de critères sociaux examinant la place de la ferme dans la société (ex : est-ce que ton mode de production appauvrit tes voisins ?).

    Quand tu fais de la vente directe, tu n’as qu’en face de toi qu’une partie de la société.

    L’agriculture ne peut être durable que si l’alimentation est durable et l’alimentation ne peut être durable qu’à condition qu’elle soit accessible à toutes et tous. Le projet porté par le réseau des CIVAM « accessible, pour une alimentation durable accessible à tous » vise à définir les critères d’une alimentation accessible à toutes et tous. Le séminaire final de ce projet aura lieu à Paris le 28 mars. Il y a tout un tas de propositions parmi lesquelles on trouve une modernisation de la charité, l’aide alimentaire, et ce n’est pas ce que nous voulons. Ainsi, à la fin du séminaire final de ce projet seront présentées comme pistes de solutions les projets de sécurité sociale alimentaire, de gratuité de l’alimentation (Paul Ariès) et le rôle de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) pour leur développement.

    Il ne peut pas y avoir de politique « pour les pauvres », c’est destiné à l’échec. Il faut une politique pour tout le monde. C’est l’une des grandes forces du projet de sécurité sociale alimentaire.

    J’ai [Jean-Claude] vu deux films sortis en salle en même temps : « moi, Daniel Blake » de Ken Loach, une critique sociale très forte dans laquelle il y a des scènes de distributions alimentaire, ce film donne la rage. Et le film « la sociale » sur l’histoire du régime général de sécurité sociale, ce documentaire donne de l’espoir sur le « déjà-là » des stratégies à mener.

    Voilà pourquoi le projet de sécurité sociale alimentaire a toute sa pertinence. Dans la santé aujourd’hui, soutenus par le régime général d’assurance maladie, il y a des travailleurs indépendants : ce sont les médecins. On peut imaginer de transposer cela à l’alimentation et de reconnaître les agriculteurs comme travailleurs indépendants au sein du régime de sécurité sociale alimentaire.

    Tanguy : Enjeu de l’accessibilité des produits : dans une réunion du collectif pour une autre PAC, à l’occasion de la publication d’un document « Osons une vraie réforme de la PAC » et « nos 12 priorités pour une autre PAC », on s’est demandé : qu’est-ce qu’on répond aux journalistes s’ils nous disent que l’agriculture que l’on promeut risque de coûter cher pour des personnes en difficulté économique ?

    On était secs pour répondre, c’est pourquoi Agrista s’est emparé du projet de sécurité sociale alimentaire, pour ne pas uniquement penser l’amélioration de modes agricoles alternatifs réservés à une frange privilégiée de la population.

    La proposition d’ISF-Agrista d’une sécurité sociale alimentaire

    L’idée de fonctionnement d’une sécurité sociale alimentaire est de sanctuariser un budget par personne pour l’alimentation.

    Avant la création de l’assurance maladie, les personnes ne se soignaient pas ou peu, le régime d’assurance maladie a permis à toutes et tous de se soigner. L’idée c’est de faire pareil avec l’alimentation : sanctuariser un budget pour l’instant fixé à 150 euros/mois.

    Pourquoi 150 euros ? Parce que le budget moyen des personnes précarisées c’est 100 euros, le budget moyen de la population générale c’est 200 euros. De plus, ce budget représente 5euros/j/personne.

    Ce budget serait réservé à l’achat de produits alimentaires conventionnés démocratiquement, ce qui nécessite d’avoir des instances locales qui décident localement de quels produits seront conventionnés ou pas.

    On s’est dit qu’il y avait besoin d’un cadre national : comment fait-on pour que la démocratie ne soit pas une dictature de la majorité ? Comment prendre en compte les besoins des minorités ? Respecter la diversité des régimes alimentaires ? Et il y a des enjeux environnementaux qui relèvent du national.

    Concernant les conditions de travail des paysannes et paysans, il pourrait également y avoir un cadre national : obligation de respecter le coût de revient des produits, ne pas acheter aux paysannes et paysans des produits en-deçà de leur valeur.

    Il y a également la proposition que ne soit conventionnées que des personnes qui ne font pas de profit capitaliste sur leur activité.

    Concernant le financement de cette sécurité sociale alimentaire : avec 8% de cotisations sur le salaire super brut, on récolte les 120 milliards dont on a besoin.

    (le salaire super brut = salaire net + cotisations salariales + cotisations patronales.)

    120 milliards, cela représente la moitié du budget de l’assurance maladie et la moitié de ses cotisations.Idée de progressivité de ce pourcentage en fonction du salaire. Ainsi, la cotisation à 8% correspondrait à un salaire brut de 2000 euros/mois. Toutes les personnes ayant un salaire inférieur cotiseraient moins de 8% et toutes celles ayant un salaire supérieur cotiseraient plus.

    Sur cette question du financement, Bernard Friot [9] avance une autre idée : proposer aux entreprises, plutôt que de rembourser leurs crédits bancaires, de cotiser à cette caisse de sécurité sociale alimentaire. Il faut que ce soit une opération blanche pour les entreprisse, si on leur demande une cotisation de 8% sur la valeur ajoutée à la place on les relève de l’obligation de rembourser leurs crédits car on considère que le crédit bancaire est illégitime.

    L’objectif de ce projet : sortir une part de l’alimentation du système marchand capitaliste.

    Il y a l’idée de sanctuariser un budget pour que l’alimentation ne soit plus une variable d’ajustement (tout le monde devrait pouvoir choisir son alimentation) et, pour les paysannes et paysans, d’avoir un marché de personnes solvables pouvant acheter des produits de qualité.

    Ce qu’on propose c’est que les services rendus par les paysannes et paysans soient reconnus comme services socio-environnementaux et que les finances publiques reconnaissent cela et financent donc non pas à la taille de la ferme mais plutôt à la qualité du service rendu : le travail de la paysanne et du paysan sert la collectivité et la collectivité lui reconnaît cette utilité par le paiement de services (et non pas le versement de subventions).

    Tout un cadre de politiques sociales, réglementaires… Une hausse des salaires ou des revenus permettrait une capacité à prélever des cotisations plus importantes donc de mieux financer le système.

    Le projet en l’état ne répond pas à la question de la transition, à la question de l’éducation à la citoyenneté… Aujourd’hui la seule information qui est faite à l’échelon national est strictement nutritionnelle.

    Interpellations/doutes/critiques sur le projet

    Question : au départ les êtres humains ont produit des aliments non pas parce qu’ils en avaient envie mais parce qu’ils en avaient besoin. Aujourd’hui, on cherche à gagner de l’argent pour acheter et quand on n’a pas d’argent on va à l’aide alimentaire, on ne cherche pas à produire soi-même : pourquoi ?

    Avec le projet de sécurité sociale alimentaire, en attribuant un budget mensuel pour l’achat d’aliments, on considère que les gens ne sont que des consommateurs, on n’incite pas les gens à produire eux-mêmes leur alimentation

    Réponses de différentes personnes dans la salle : dans la souveraineté alimentaire j’entends l’idée d’avoir une forme d’autonomie dans la production de l’alimentation.

    Pas mal de personnes bénéficiaires de l’aide alimentaire n’ont pas accès aux terres, l’accessibilité aux jardins partagés est autant un problème que l’accessibilité aux produits.

    Dans le projet de sécurité sociale alimentaire, on ne vise pas du tout que tout le monde doit produire une partie de son alimentation, mais on vise une dimension d’éducation populaire : discuter collectivement dans les caisses de sécurité sociale alimentaire quels sont les produits qu’on veut et sous quelle forme de production. Il y a une vraie volonté de dépasser le statut de consommateur pour proposer le statut de décideur politique à chacun sur l’alimentation de la société.

    Questions : comment se prémunir du fait que le capital va se réapproprier le projet ?Comment se garantir que la Sécurité Sociale alimentaire ne sera pas appuyée sur un modèle qui nécessitera la croissance économique ?

    A l’issue de cette matinée, 8 thèmes à creuser se sont dégagés. Il a été proposé aux participant-es de se répartir sur les ateliers durant 1 heure et de participer à un second atelier durant 1 heure également. Ensuite, chaque porte-parole d’atelier a partagé sa restitution à l’ensemble de la salle :

    Les ATELIERS

    Atelier « conventionnement et démocratie »

    On a essayé de trouver un processus de réflexion, c’était assez compliqué car le thème est assez vaste. Ça a été difficile dans les deux groupes de resserrer sur un sujet et de le creuser.

    Dans le premier groupe, il y a plutôt eu l’affirmation de conventionner toute la filière, mais finalement on s’est dit qu’on privilégiait le conventionnement des producteurs

    3 séries de critères : environnemental / social / économique. Les critères plus précis sont à définir (et ça peut faire l’objet de longs débats quand on se penche sur les détails).

    Idée d’un pourcentage de prise en charge sur les trois critères : si on a deux critères sur trois qui sont remplis, est-ce qu’on peut être conventionné ?

    On a un peu parlé de la période de transition avec la notion d’exclus/inclus : idée d’être plutôt inclusifs qu’exclusifs car si on part sur un conventionnement exclusif, il y a le risque que ce soit dommageable au projet car trop excluant. On a évoqué l’idée d’un conventionnement inclusif avec une prise en charge qui soit proportionnelle au niveau de critères respectés : si on respecte les trois critères on a 100% de prise en charge, si on ne les respecte pas complètement on n’est pas pris en charge à cette hauteur

    Grandeur de la structure : nombre de salarié-es ? nombre d’hectares ? nombre de bêtes ?

    Impossibilité d’utiliser les 150 euros par manque d’approvisionnement ou manque de pratiques

    Est-ce qu’on subventionne le producteur ou le produit ?

    On a 150 euros, c’est une somme importante par rapport au volume de production que cela représente, en l’état on n’arrivera pas à trouver suffisamment de producteurs qui respectent nos trois critères, comment fait-on ? Doit-on conventionner très large, ou bien être sélectif mais risquer de ne pas avoir assez de produits conventionnés par rapport à la somme que chacun peut dépenser ?

    Construction : consensus sur l’idée d’une charte nationale constituant un socle commun avec, au niveau local, des définitions de critères plus précis.

    Travailler les pouvoirs, se questionner sur où ils sont et comment en avoir le moins possible

    Question : qu’est-ce que ça veut dire le « local » ?

    Lien entre l’expérience de terrain et la théorie

    Dans le second groupe : santé / environnement / social / économie anticapitaliste

    Dans l’environnement, un des objectifs apparus est la déspécialisation des territoires

    Le pourcentage de prise en charge pour les producteurs est apparu aussi avec un objectif à 3 ans d’atteindre le 100% ce qui permet d’avoir de la souplesse dans le conventionnement et d’inciter à aller dans une certaine direction sans exclure.

    Idée de collèges de producteurs, de consommateurs…

    La notion d’échelle a émergé.

    Nous avons discuté autour de cas pratiques. Un désaccord apparu sur l’uniformité du conventionnement : où sont prises les décisions ? est-ce que c’est localement ? est-ce que c’est nationalement ?

    ex : le comté sera conventionné dans le Jura, sera-t-il aussi conventionné en Bretagne ?

    Conventionnement autour de la filière : le groupe était plus sur conventionnement producteur/transformateur/distributeur/restaurateur

    Atelier « mode de financement de la sécurité sociale alimentaire »

    Deux groupes très distincts sur les propositions avec un gros travail de compréhension des mécanismes présentés le matin (celui d’ISF-Agrista et celui de Bernard Friot).

    La première proposition sur laquelle on a discuté c’est l’idée d’une cotisation à 8% sur le salaire super brut (incluant les cotisations patronales). Dans les deux groupes il y a eu une réaction épidermique au fait que la conséquence de cette proposition est que le salaire net diminue.

    Pour les personnes en-deçà de 2000 euros/brut cette cotisation et le versement d’un budget de 150€/mois représenteront une augmentation de leur pouvoir d’achat, pour les autres c’est une diminution.

    Il sera toujours possible de se battre pour des augmentations de salaires.

    Le premier groupe a proposé de plutôt taxer la partie que les employeurs payent : taxer la valeur ajoutée. La valeur ajoutée : c’est ce qu’on vend moins ce qu’on a dépensé, ce qui va être réparti entre salaires et actionnaires.

    L’autre groupe a démonté cette proposition parce que Mac Donald ne fait pas de valeur ajoutée parce que Mac Do localement est déficitaire (système de franchises) donc, avec cette taxation, les multinationales ne seront pas touchées par cette taxe.

    Le premier groupe est arrivé à la conclusion que commencer par faire payer les salarié-es sachant que pour une partie des revenus on y gagne financièrement ça pouvait être un premier pas tout en ayant le doute sur le fait qu’on arrive à dépasser cela.

    Le deuxième groupe s’est montré critique vis à vis de la proposition du texte : on va toujours dans la stigmatisation de ceux qui ne payent pas ou qui payent moins, le but est de faire payer les banques car ce sont elles qui ont de l’argent.

    La sécurité sociale de la santé est aujourd’hui sacrément attaquée par le fait que certains payent plus que d’autres et ça créé un clivage entre ceux qui n’ont pas d’emploi et ceux qui en ont et ça affaiblit ce projet de socialisation de la santé.

    La proposition faite sur le même modèle pour la sécurité sociale alimentaire risque de rencontrer le même écueil.

    L’idée est que comme l’Etat ne peut pas faire de la création monétaire, seules les banques sont autorisées à la faire. Dire que les entreprises cotisent à hauteur de la dette qu’elles ont envers les banques et, pour les entreprises sans crédit, elles cotisent quand même et les banques les remboursent.

    Jean-Claude : la seule banque qui créé de la monnaie c’est la banque centrale, les banques qui font du crédit ne créent pas de monnaie.

    Plusieurs personnes dans la salle ne sont pas d’accord avec lui

    cf : brochure de Réseau Salariat intitulée « caisses d’investissement et monnaie » [10]

    Atelier « financement de l’investissement »

    La question était : comment se passe-t-on des systèmes qui génèrent des profits capitalistes ? Si on finance avec de l’argent socialisé notre alimentation ce serait dommage que cet argent reparte dans les poches des capitalistes. Proposition d’avoir des caisses d’investissement pour sortir du profit privé capitaliste.

    Il y a du « déjà-là » anticapitaliste avec les CUMA (coopératives d’usage du matériel agricole) et avec différents types de portage foncier : groupements fonciers agricoles… Terres de Liens, les communaux (terres qui appartiennent encore aux communes)

    Le statut du fermage = statut de la location agricole qui protège l’accès au foncier du paysan et encadre fortement le loyer (le groupe a eu un débat sur la légitimité du loyer en tant que rente capitalistique).

    Des caisses d’investissement pourraient porter la distribution des droits d’usage sur l’outil de production (foncier bâti et non-bâti, matériel, cheptel, semences, etc.). Le groupe a exploré deux possibilités :

    • 1. soit la caisse gère juste l’allocation de la terre et les paysannes et paysans sont propriétaires du reste : foncier, bâti, matériel, cheptel, financés éventuellement avec des subventions de la caisse.
    • 2. soit les caisses sont propriétaires de tout, et allouent le droit d’usage aux paysannes et paysans pour chaque élément matériel nécessaire à la production.

    Quelle échelle doit couvrir cette caisse ? Débat entre l’échelon cantonal et départemental

    Un point crucial est qui participe à la décision dans les caisses de ce sur quoi on investit et à qui cela profite. Est-ce uniquement une affaire de paysan ou est-ce que les citoyens mangeurs ont un rôle à jouer ? Il semble que les paysannes et paysans seuls ne peuvent pas décider, surtout s’ils ne sont pas les seuls à contribuer à alimenter financièrement la caisse.

    Ces caisses d’investissement pourraient être financées de plusieurs manières :

    • Une cotisation sur la valeur ajoutée des filières agricoles ou agro-alimentaires
    • Une cotisation sur la valeur ajoutée nationale totale

    Il faudrait aussi donner à ces caisses les financements de la PAC (politique agricole commune) qui servent à l’investissement.

    Est-ce que les paysannes et paysans devraient créer leur propre caisse d’investissement?

    Aujourd’hui quand le paysan revend un bâtiment construit avec des subventions, il le revend avec le prix des subventions, donc il capitalise sur de l’argent public, est-ce légitime ? Si la caisse gérait les bâtiments ce problème serait résolu. Mais cela poserait d’autres questions de gestion sur l’entretien et l’amélioration des bâtiments.

    Atelier « définition du salaire paysan »

    groupe 2 : les paysans sont conservateurs et leur parler de salaire ça ne leur parlera pas.

    Il vaut mieux parler de rémunération, de revenu, discuter du financement de la sécurité sociale alimentaire.

    Financement de l’investissement : la part agricole, on déduit de nos revenus ce qu’on emprunte, c’est du salaire différé.

    Si on avait un revenu garanti sur la durée, peut-être que la prochaine réforme de la PAC permettra cela pour « reconnaissance de services rendus »

    Si on a un revenu garanti après l’activité (= pension de retraite) on se souciera moins de la transmission, de la vente de nos terres avec un profit : si on n’a plus d’inquiétude pour notre retraite, alors la terre ne sera plus un enjeu de propriété lucrative

    Partage de la terre

    Trouver une bonne propagande pédagogue

    Comment fonctionne réellement le monde paysan, le fait de le remercier pour son travail de production de nourriture pour la société permettra de trouver plein de bras avec un salaire garanti, universel… tout le monde pourra travailler la terre et amener sa pierre à l’édifice

    groupe 1 : on a essayé de répondre à la question : est-ce que le paysan est un médecin comme les autres ?

    On a essayé de définir, de dire que le salaire est différent du revenu.

    Le salaire du paysan c’est les prélèvements qu’il peut faire, les cotisations qu’ils versent, la rémunération de son capital…

    Si demain la PAC est à l’actif on pourrait s’approcher d’un salaire ou d’une rémunération

    Qui dit « salaire » dit « emploi »

    En tant que paysan, on n’a pas forcément conscience d’avoir un contrat, l’étape d’après pourrait être de se dire qu’il y a un contrat et que c’est ce contrat qui garantit un salaire aux paysans et qui fait de lui un acteur du tissu social responsable de la protection de l’environnement, initiateur de richesses locales, d’emplois…

    Atelier « quelle organisation pour le portage politique de nos idées ? »

    Les deux groupes ont dit « pas de structure formelle »

    Ambition de faire remonter dans nos associations/collectifs respectifs cette idée de sécurité sociale alimentaire : Terres de liens, Civam, ISF, associations d’éducation populaire, AMAP, centre socio-culturels, ATD Quart Monde…

    On a posé un point d’attention au risque de récupération de cette proposition avec un dévoiement concernant la dimension anticapitaliste de la proposition de départ.

    Autre point : identifier les forces localement et se former ensemble.

    En parallèle, continuer à tisser des liens au niveau national avec des rencontres comme aujourd’hui. Besoin de garants, de personnes ressources qui poursuivent l’idée d’outiller le contenu de cette sécurité sociale alimentaire.

    Enjeu de la temporalité : hier/aujourd’hui/demain

    Important de raconter notre histoire par rapport à cette sécurité sociale alimentaire

    Les rencontres impact en 2014

    Commission sociale de la confédération paysanne et RS en 2016

    Retourner dans nos structures et refaire une rencontre nationale ?

    Dans les types d’étapes, s’est rajoutée la question de l’expérimentation, une étape nécessaire. Parce qu’on est d’éducation populaire, c’est par l’expérimentation, par le local qu’on va rendre concret ce projet de sécurité sociale alimentaire. On ne pourra convaincre demain plus largement que si on a des exemples concrets à valoriser.

    Atelier « comment rendre notre projet désirable ? »

    Est-ce que l’objectif du bien manger c’est si désirable que ça ?

    Avoir une agriculture qui ne détruit pas la nature = l’écologie

    Notion de justice sociale : chacun a accès à de la bonne bouffe

    Le producteur ne s’endette pas pour s’installer, il n’a pas de dettes, ses terres sont financées par subventions.

    Pour essayer de rendre un projet désirable, ne faut-il pas combattre ce qui pourrait le rendre indésirable ?

    Argumenter sur le fait que le conventionnement n’est pas une perte de liberté pour le producteur.

    Est-ce qu’il y a un déjà-là qui est présent et sur lequel on peut s’appuyer ?

    On ne peut pas proposer ce projet-là sans parler des thèses de Reseau Salariat. Quand on parle de sécurité sociale alimentaire, on en arrive très vite à parler de cotisation et il y a besoin d’expliquer ce que c’est.

    Atelier « éducation populaire à l’alimentation »

    Nous sommes partis du constat qu’il y a un fossé énorme entre le monde agricole et le reste de la société. On peut distinguer deux types d’images que les urbains ont des agriculteurs : d’un côté le métier idyllique en lien avec la nature, la vie à la campagne libre et heureuse ; d’un autre côté un métier difficile, peu reconnu, qui ne gagne pas grand-chose, une vie de « plouc ».

    C’est plus facile d’intéresser les gens aux questions agricoles par la voie de l’alimentation, car on est tous concerné-es par le fait de manger ; mais par contre le métier d’agriculteur n’est pas forcément plus intéressant, plus valorisé qu’un autre.

    Sur les outils concrets, on a pas mal parlé de moyens d’éducation, de co-éducation : aller vers les enfants, partenariats avec les écoles, les collectivités, avoir des animations avec les plus grands autour de la cuisine, des lieux collectifs pour cuisiner ensemble. Tout cela pour montrer comment poussent les plantes, comment est produit ce que nous mangeons, comment on peut cuisiner les produits.

    Débat autour de l’agriculture urbaine : c’est intéressant d’avoir des jardins partagés, est-ce de l’agriculture urbaine ?

    On tombe très rapidement dans la culpabilisation (« il faut manger bio », « le Coca c’est pas bien »…) Comment parler de questions alimentaires sans tomber dans ces travers ?

    C’est le système qui conditionne aussi ce que nous mangeons, pas seulement des choix individuels.

    L’alimentation saine et durable n’est pas forcément la priorité pour bon nombre de gens qui ont des urgences sociales bien plus primordiales. Pour quelqu’un qui n’est pas habitué, aller dans une Biocoop peut être aussi impensable que d’aller à un vernissage de galerie d’art…

    On peut être plus constructif et aller plus loin, par exemple si les agriculteurs parlent de leurs problématiques par rapport au système : vente de produits qui ne sont pas valorisés à leur juste valeur, pression des entreprises d’agroalimentaire qui tirent les prix vers le bas, aides publiques prioritairement orientées vers les grosses exploitations, vus par la société comme des pollueurs, des destructeurs de la nature… Si les agriculteurs parlent de leur vie et pas de ce que les mangeurs devraient faire (on devrait tous manger bio, en circuits courts, et cuisiner maison) on peut avoir des échanges d’égal-e à égal-e, où chaque personne comprend les problématiques des autres (oppression par le système notamment). « On a besoin de vous, vous avez besoin de nous pour manger, et on discute ensemble ». Ça peut permettre d’avoir des discussions et prises de conscience plus constructives, et moins de culpabilisation et stigmatisation. ->Educ pop !

    Vers quel public allons-nous en priorité ? On pense spontanément « pauvres », alors que d’autres publics moins précarisés sont aussi intéressants à cibler.

    Désobéir : utiliser ses propres oeufs en collectivité, des cochons dans les écoles (on s’en fout que ça ne soit pas hygiénique…)

    Atelier « penser la transition, les expérimentations »

    Fruits des échanges des participant-es des deux groupes

    De nos échanges, nous avons dégagé l’idée que pour toute expérimentation dans laquelle nous souhaitons nous lancer, 5 critères sont à préciser :

    1) Sur quelle échelle géographique porte l’expérimentation ?

    On s’est interrogé sur l’échelle de l’expérimentation et la réponse semble être « le territoire » en tenant compte de la diversité des territoires, aussi bien en termes de taille que de contexte. Les territoires ont des réalités très différentes. Attention à ne pas avoir que des exemples d’expérimentations dans le secteur rural, avoir aussi le souci que nos expérimentations impactent le secteur urbain (plus densément peuplé et plus éloigné du monde agricole).

    2) Quels mode(s) de financement/de récolte d’argent pour mener l’expérimentation ?

    Aller chercher l’argent du côté des subventions publiques, du côté des aides versées par la PAC, les collectivités territoriales…

    Proposer à des employeurs de contribuer à un pot commun en leur donnant à voir l’avantage que cela leur procurerait pour leur image et parce que ça donnerait plus de pouvoirs d’achats à leurs employé-es (= employés contents) et aux habitant-es qui pourraient ainsi acheter plus de produits, services vendus par l’entreprise…

    3) À qui distribuer l’argent récolté ? Sous quelle forme ?

    Au lieu d’avoir des bons alimentaires, plutôt prévoir que tou-tes les habitant-es d’un territoire aient une carte utilisable uniquement pour l’achat de certains produits alimentaires et/ou dans certains commerces.

    4) Quelle organisation démocratique pour décider la répartition ?

    Pour décider du conventionnement (critères et procédure d’attribution) proposition que ce soit une sorte de commission (= caisse) à l’échelle du territoire composée des différentes parties concernées qui reçoive l’argent et décide de sa répartition.

    5) Qu’est-ce qu’on cherche à mesurer avec cette expérimentation ?

    Si on parle d’expérimentations pour la mise en place d’une sécurité sociale alimentaire, alors la question de l’évaluation est centrale : qu’est-ce qu’on cherche à mesurer avec telle expérimentation ? quel est l’impact recherché ? est-il atteint ?

    • impact écologique
    • impact sur la santé
    • impact sur l’économie du territoire
    • telle expérimentation modifie-t-elle les modes de production ?

    Discussions sur l’idée d’avoir des expérimentations qui permettent la relocalisation de la production agricole sur un projet de territoire

    • telle expérimentation a-t-elle influencé le type d’alimentation des habitants ?
    • telle expérimentation permet-elle de créer de l’emploi ?

    Ces expérimentations doivent servir à orienter la politique agricole et alimentaire d’un territoire avec pour objectif de démontrer (entre autres) que cela va créer de la richesse sur un territoire.

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    • Exemples d’expérimentations existantes dont on pourrait s’inspirer :

    *Dans le département des Deux Sèvres il y a l’expérimentation « territoire zéro chômeur » : les chômeurs ne touchent pas d’aides sociales mais, à la place, perçoivent un salaire. Cette expérimentation est portée par le Ministère du Travail mais est à l’initiative des associations d’insertion comme la FAS, Emmaüs…

    *il y a peut-être quelque chose à jouer avec le déploiement des Projets Alimentaire Territoriaux (PAT) portés par le ministère de l’Agriculture :

    La métropole de Brest (Finistère) a touché des subventions pour développer des projets autour de l’alimentation.

    La communauté d’agglomération de Tulle (Corrèze) a réuni tous les acteurs qui se sentent concernés par l’alimentation. Tulle c’est 35 000 habitants, les trois quarts de l’agriculture consistent en l’élevage de taurillons qui partent à l’exportation (en tout cas hors du territoire) et la communauté d’agglo n’a aucune autonomie alimentation. Suite à cette concertation, la communauté d’agglo a lancé un espace-test de maraichage.

    *exemple de projet inspirant en milieu urbain : à Bagnolet (Seine Saint Denis), les associations de quartier se sont mises en lien avec des producteurs de la Manche et de l’Orne pour organiser de la distribution collective en circuit court. Les associations ont acheté des congélateurs collectifs pour faciliter la distribution.

    * La CLCV (confédération du logement et du cadre de vie) et la confédération syndicale des familles sont des associations de consommateurs qui ont des antennes locales, elles ont créé des systèmes de commandes collectives pour des quartiers où elles sont implantées.

    Elles ont pu créer une coopérative alimentaire à Brest (Finistère) où 50 familles d’un quartier pauvre se nourrissent en contrat passé avec des paysans locaux. le réseau CIVAM a contribué à la mise en lien, au soutien de ce projet.

    Il n’y a aucun critère fixé pour la contractualisation, mais avec le temps on constate que l’alimentation des familles évolue vers de plus en plus de produits non transformés (légumes notamment).

    *Une AMAP vers Angers où les personnes cotisantes à l’AMAP, outre l’achat régulier de paniers alimentaires, se sont cotisés pour financer l’achat de matériel pour deux paysans. Limite de cette AMAP : un sentiment « d’entre-soi » de la part des cotisants qui aimeraient une meilleure mixité sociale dans leur groupe. Aujourd’hui, dans cette AMAP le montant de la cotisation est fixe. Idée que ce montant devienne variable en fonction des revenus, ressources des membres du groupe… est-ce jouable ? comment proposer cela sans être dans l’aumône ?

    Nous en avons débattu et il a semblé que si le montant de la cotisation est basé sur la confiance et qu’il n’y a pas de contrôle, il n’y a donc pas de stigmatisation de tel ou telle cotisant-e… que cela se calque sur le système des cotisations sociales (cotisations salariales et patronales) dont le montant varie en fonction du salaire de référence. C’est l’occasion de faire de la pédagogie sur ce qu’est la cotisation et comment marche un système socialisé comme le régime général de sécurité sociale qui reconnaît la force de travail de tou-tes, au-delà des ressources financières possédées par chacun.

    • Identification de potentiels alliés pour porter à nos côtés ces expérimentations et/ou promouvoir le projet de sécurité sociale alimentaire

    Ont été évoqués : les associations de parents d’élèves, soucieux de la qualité de l’alimentation servie à la cantine scolaire, les comités d’entreprise, les associations de distribution d’aides alimentaires (au moins celles qui s’interrogent déjà sur le bien-fondé du circuit)

    *le réseau des AMAP (association pour le maintien de l’agriculture paysanne), de plus dans ce réseau la plupart des paysans impliqués sont syndiqués

    *les lycées agricoles : ils pourraient mettre à disposition de la population des espaces tests pour l’agriculture alternative et contribuer aux enjeux d’éducation populaire autour de l’alimentation

    *s’appuyer sur le réseau des Monnaies Locales Complémentaires : ce sont des associations qui s’emparent déjà de la question de l’usage de la monnaie et de comment valoriser la production locale. certaines ont des critères pour agréer les commerçants pouvant commercer avec cette monnaie, d’autres non… il y a des limites à ces initiatives, par exemple on peut considérer qu’elles incitent à la consommation puisqu’il faut dépenser son argent dans un certain laps de temps sinon elle perd de sa valeur… mais il nous a semblé que c’est toutefois un réseau intéressant à approcher pour promouvoir notre projet de sécurité sociale alimentaire

    • Des idées concrètes d’expérimentation

    *Se concentrer sur les espaces de restauration collective d’un territoire: cantines scolaires, restaurants d’entreprise, maisons de retraite…

    Inciter les collectivités locales à reprendre la main sur les espaces de restauration collectives tombés aux mains du secteur privé capitaliste quand ils pourraient être en régie publique. Inciter à la création de cantines municipales qui serviront de l’alimentation locale, produites en circuits courts…

    Objectif : démontrer que l’alimentation est un facteur de développement local

    *Utiliser le levier des « titres restaurant » (ou chèque déjeuner) que beaucoup d’employeurs distribuent à leurs employés (l’employeur prenant à sa charge une part de la valeur du titre restaurant et le salarié payant l’autre part). Ces titres restaurant pourraient devenir un levier pour la transition vers une sécurité sociale alimentaire puisqu’il s’agit de distribution d’argent fléchée « alimentation » non utilisable partout.

    -> Idée d’une structure qui distribuerait des « titres restaurant » utilisables uniquement auprès de producteurs, distributeurs et restaurateurs « labellisés » selon les critères que nous souhaitons voir advenir dans le cadre du conventionnement.

    *Cibler les comités d’entreprise et les cadeaux alimentaires qu’ils assurent aux employés via le budget des oeuvres sociales et culturelles : dans toutes les entreprises et associations de plus de 50 employé-es, le comité d’entreprise gère deux budgets, son budget propre de fonctionnement et un budget pour ses oeuvres sociales et culturelles (le montant de ce budget est plus ou moins important selon la taille de la structure et le résultat négociations avec l’employeur). Ce sont les élu-es du comité d’entreprise qui décident seul-es de la manière dont ils distribuent ce budget ! pas besoin d’accord de l’employeur. Or, de nombreux comités d’entreprise distribuent des paniers repas aux employé-es, par exemple à l’occasion des fêtes de fin d’année. Ils distribuent également des chèques cadeaux qui permettent, entre autres, d’acheter des aliments.

    Idée de construire avec les syndicats de salariés des propositions concrètes que pour les comités d’entreprise puissent attribuer aux employé-es de l’argent fléché vers des filières « labellisées » selon nos critères de conventionnement.

    (à voir si cette idée est transposable à la fonction publique)

    * Travailler avec une collectivité territoriale pour la création d’une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) qui serait gérée démocratiquement par différents collèges dont les agriculteurs du territoire, les distributeurs, les restaurateurs, les habitants… et la collectivité verserait des subventions à cette SCIC plutôt que de les verser aux professionnels du secteur de l’alimentation et aux structures assurant la distribution d’aide alimentaire. Les Projets d’Alimentation Territoriaux (PAT) pourraient être une bonne porte d’entrée.

    * Utiliser les épiceries sociales et solidaires pour distribuer les aliments répondant à nos critères de conventionnement : aujourd’hui ces lieux gérés par des associations distribuent les denrées de la Banque Alimentaire aux personnes traversant une phase de pauvreté. La Banque Alimentaire se fournit auprès de la grande distribution et les aliments distribués sont mauvais : mauvais en goût, mauvais pour la santé, mauvais pour l’environnement… Demain, si une expérimentation est faite à l’échelle d’une collectivité ces épiceries pourraient être le lieu de commercialisation des produits conventionnés que les habitants payeraient avec leur carte distribuée par la collectivité. Ça permettrait du brassage social et la lutte contre la stigmatisation des « pauvres ».

    * Quelle place de la grande distribution dans notre phase de transition ?

    Aujourd’hui la grande distribution est le lieu où 70% de l’alimentation est distribuée. Face à ce constat, il paraît difficile de se passer d’eux au risque sinon de priver toute une partie de la population de l’accès aux aliments conventionnés. On propose donc que les supermarchés puissent distribuer les aliments conventionnés MAIS aux prix fixé par la commission locale qui l’aura fixé et sans marge possible pour le supermarché.

    Proposition de négocier avec les grands distributeurs pour qu’ils se réimplantent dans les communes rurales et quartiers populaires qu’ils ont désertés.

    * Implanter des cuisines collectives dans les endroits où il y a peu de moyens de cuisiner afin de faciliter l’utilisation d’aliments non transformés, contribuer au lien social, créer des espaces d’éducation populaire sur les enjeux d’alimentation… la transition passe par le fait de se connaître entre voisins.

    * Soutenir la création de coopératives sous forme de SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) ou de GFA (groupement foncier agricole). la limite est de rester dans l’entre soi.

    Idée d’expérimenter à l’échelle d’une commune une coopérative financée en partie par le budget de la commune, par les habitants directement. Idée que les habitant-es d’une commune abondent à un pot commun. Chaque personne met une certaine somme en fonction de ses ressources, de ses revenus… pas de contrôle à priori, on fonctionne à la confiance, ce serait une expérimentation de l’organisation démocratique.

    Le pot commun servira à soutenir les paysans locaux, il permettra aussi d’acheter des terres pour relocaliser l’agriculture dans certains territoires et permettre à des paysans de s’installer sans avoir à s’endetter auprès des banques.

    Objectif : tendre à l’autonomie alimentaire, promouvoir la collectivisation des terres, expérimenter la prise de décisions collective sur ce qu’on ferait sur ces terres, qui le ferait, et comment ce serait fait.Idée d’une banque de temps pour les habitant-es qui contribueraient à l’exploitation de ces terres en soutien aux paysans installés (cette « monnaie temps » pouvant permettre d’acheter les produits issus de la ferme).

    Nous pensons que cela bénéficiera à tous les habitants, cotisants directement ou indirectement (via les aides de la commune) puisque ce sera une manière de démontrer qu’on peut avoir une alimentation saine, de qualité en bas de chez soi à un prix abordable (car si les paysans sont aidés financièrement pour l’investissement, le prix de leurs produits sera moins élevé) ; il s’agit là d’un critère mesurable, vérifiable.

    Pour ALLER PLUS LOIN…

    • Si vous êtes agronome ou travaillez en appui aux paysannes et paysans ou dans le monde l’alimentation : rejoignez Agrista, vous pourrez ainsi participer à poursuivre les travaux autour du projet de sécurité sociale alimentaire.
    • Si vous êtes intéressé-e par les thèses de Réseau Salariat : rejoignez l’association ! on a monté un groupe thématique national autour du salaire à vie paysan qui a vocation à reprendre notamment les réflexions autour du projet de sécurité sociale alimentaire.
    • Si vous êtes paysanne ou paysan : syndiquez-vous à la Confédération Paysanne, rapprochez-vous du réseau CIVAM

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    [1] https://pouruneautrepac.eu/

    [2] https://www.isf-france.org/articles/pour-une-securite-sociale-alimentaire

    [3] {.Site.BaseURL}/?lang=fr

    [4] « la chaine de paiement des aides agricoles, une gestion défaillante, une réforme à mener »,rapport juin 2018

    https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-chaine-de-paiement-des-aides-agricoles

    « les aides directes du Fonds européen agricole de garantie », référé octobre 2018

    https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-aides-directes-du-fonds-europeen-agricole-de-garantie-feaga

    [5] https://www.youtube.com/watch?v=DrQgFhB2y9U

    [6] EAPN France, 2018. Vers un droit à l’alimentation en France.

    [7] Rapport du Sénat 2019/2019 n°34

    [8] La valeur ajoutée des secteurs Agriculture, sylviculture et pêche plus Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac est de 79 milliards d’euros

    [9] l’association Réseau Salariat a fondé ses thèses sur les travaux de recherches de Bernard Friot concernant la mise en place et la mise en oeuvre d’un régime général de Sécurité Sociale en France.

    [10] {.Site.BaseURL}/e70779e7b9b071b96aa3759471c98b1b?lang=fr